Un pont qui s’écroule...

27 août 2018

...nous sommes bouleversés, déconcertés, mais non désemparés (1 Corinthiens 4, 8)

À la nouvelle, ce mardi 14 août, de l’écroulement du Pont Morandi à Gênes, beaucoup ont très vite situé le lieu de cette tragédie. Nombreux sommes-nous en effet à avoir emprunté ce pont et avoir poussé un «  ouf  » de soulagement après l’avoir dépassé  ! Cet ouvrage aérien, construit par des mains humaines audacieuses, tenait par un équilibre mis à mal par l’usure des matériaux... Nous sommes touchés par cet événement parce que la plupart d’entre nous auraient pu être comptés parmi les victimes, si cela avait été le jour et l’heure... Qui d’entre nous n’a pas poussé, mardi dernier, ce «  ouf  » que ce ne soit pas lui ou l’un de ses proches  ?

Pourtant, à Orange, nous sommes atteints par cet évènement : une famille de notre cité pleure le décès d’un fils et d’un frère, victime de cet accident. Au nom de toute la communauté paroissiale, j’ai pu assurer cette famille de notre proximité et de notre prière. Avec eux, nous sommes meurtris et bouleversés. Nous l’accompagnons de notre prière tout spécialement lors des obsèques que nous célèbrerons.

L’événement de Gênes me rappelle les 18 victimes qui périrent dans l’écroulement de la tour de Siloé, accident évoqué dans l’Évangile selon Saint Luc (13, 4). Jésus nous demande si ces victimes étaient plus ou moins destinées à la mort, que ce soit par fatalité ou par le poids de leur propre péché. Aucunement, répond Jésus qui nous invite tous à la conversion... Mais alors, qu’y a-t-il donc à changer dans nos vies  ?

À l’image de ce pont fragile, il me semble que c’est notre société qui est vulnérable. Sur quelles fondations vivons-nous  ? Sont-elles stables, sont-elles vraiment communes  ? Les équilibres qui nous tiennent ensemble sont-ils solides et durables  ?

Il me semble aussi qu’il y a un aveuglement à chercher tout de suite des responsables qui devront payer  ? Car «  il faut des coupables  », comme lors de l’écroulement de la tour de Siloé  ! Mais qu’est-ce que l’homme pourra donner en échange de sa vie ou de celle de son frère  ? (cf. Mt 16, 26) Seules des mains humaines peuvent assurer le maintien et l’entretien des ouvrages de mains humaines. A chaque génération, ce sont des dizaines ou des centaines de personnes qui sont concernées. Au lieu de pousser un ouf de soulagement parce que j’ai été épargné, je préfère m’interroger :
- Qui sont les personnes et quels sont les domaines confiés à ma responsabilité  ?
- Suis-je consciencieux ou bien malhonnête et négligent  ?
- Suis-je capable de prendre une décision délicate et lourde de conséquences financières  ?
- Est-ce que je préfère laisser pourrir  ? Est-ce que j’entretiens les ponts que j’ai bâtis  ?
- Finalement, est-ce que je sais agir en bon père de famille  ?

Nous avons tous quelque chose à convertir, à améliorer, que ce soit dans notre famille et dans notre vie privée ou que ce soit dans nos responsabilités professionnelles, associatives, sociales... Rappelons-nous enfin que l’ouvrage de nos mains est fragile, tout comme nos vies, si précieuses aux yeux de Dieu, notre Père. Puisque nous sommes tous l’ouvrage de la main de Dieu (Isaïe 64, 7), soyons dans l’espérance et allons de l’avant.

Acquiesçons à la vie, reconnaissons la si belle et accueillons la, si fragile, au quotidien. Engageons-nous – dans la confiance – sur le chemin qui s’ouvre devant nous, même au-delà de la mort : Seigneur Jésus, toi qui es le Chemin, je sais que tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. Psaume 22

En Toi, j’ai mis ma confiance, ô Dieu très saint, toi seul es mon espérance et mon soutien.

Père Michel Berger
Curé d’Orange et Caderousse