Portrait : Père Sébastien Montagard

23 mars 2019

Le Père Sébastien Montagard est curé de la paroisse de Bédoin au pied du Ventoux ainsi que des clochers de Mormoiron, Flassan, Villes sur Auzon, Ste Colombe, Les Baux (actualisé au 13/09/2019).

Entretien avec Martine Racine pour l’émission « Pourquoi le taire ? » sur RCF Vaucluse.

Êtes-vous un vrai vauclusien ?

J’essaie : je suis né à Carpentras, j’ai grandi à Monteux et en 40 ans de vie, j’ai seulement vécu une année en dehors du Vaucluse, pour mon service militaire dans la région de Grenoble.

Et alors ?

J’étais finalement content d’y aller mais encore plus content de revenir dans mon Vaucluse chéri pour contempler le Ventoux !

Êtes-vous d’une famille pratiquante ?

Oui, ma famille a cheminé mais un grand événement qui nous a marqués a été la naissance de mon premier petit frère, Julien, né très lourdement handicapé et qui est décédé quand j’avais 18 ans.
Cette naissance a été à la fois un événement joyeux comme toute naissance, mais aussi a été un tremblement de terre dans la famille. En même temps, cela a été une rencontre avec la communauté Foi et Lumière, communauté pour les personnes handicapées mentales, leurs familles et leurs amis. Cela a été aussi une rencontre avec le prêtre qui accompagnait cette communauté, le Père Pierre Amourier, qui me paraissait déjà bien âgé, mais qui rayonnait de joie, de simplicité, de bonté, un peu comme mon curé de l’époque le Père Marcel Hilaire.

Tout cela vous a beaucoup soudés ?

Il y a quelque chose de l’ordre de la consolation, et en même temps ces hommes-là m’ont vraiment marqué, dans leur délicatesse et leur justesse.

Donc vous suiviez volontiers vos parents ?

Oui. Ce qui m’a aidé aussi, c’est mon engagement dans divers groupes chrétiens : en primaire, un groupe de scouts à Monteux, au collège le Mouvement Eucharistique des Jeunes de spiritualité ignatienne, et le désir de servir, notamment en étant enfant de chœur ; en effet 1 heure de messe c’est bien, mais quand on fait rien, pour un enfant, c’est un peu long.

Quand vous étiez enfant de chœur, vous étiez si bien que beaucoup vous imaginaient déjà prêtre, semble-t-il !

Oui et au bout de quelques années, devenu un peu plus grand, cela m’irritait tellement que je m’étais dit que puisqu’il en était ainsi, je me fixais une date d’arrêt pour ce service d’autel.
Mais le Bon Dieu, avec beaucoup d’humour m’a fait savoir que je ne pouvais pas laisser tomber les plus petits dont je m’occupais et donc j’ai continué.

Vous aviez envie de partager votre foi ?

Oui, je voulais être heureux ; je voulais pouvoir partager cela avec d’autres personnes et en même temps, être au service. Il n’y a pas qu’en étant prêtre qu’on peut vivre tout ça, mais je crois que c’est aussi l’appel de chacun.

Vous avez eu un aumônier qui vous a poussé à réfléchir...

Oui, comme tous les aumôniers d’adolescents ou de jeunes, il nous a invité à nous poser la question : qu’est ce que Dieu veut que je fasse de ma vie ?

Par cette question, il respectait la liberté de chacun.

Pour ma part, en posant cette question au Bon Dieu, je pensais qu’Il allait m’appeler au mariage. Petit à petit, la réponse qu’Il m’a fait entendre n’a pas été forcément celle que je croyais. La réponse, vous la voyez maintenant : c’est le fait d’être prêtre ; Et c’est passé par mon curé de paroisse qui, un jour, bien simplement et respectueusement m’a posé la question. A ce moment-là pendant six mois j’ai freiné des quatre fers. Cette réflexion me faisait tellement peur que j’ai essayé de sortir tous les arguments qui pouvaient aller contre. Je disais à mon curé que je ne connaissais pas le latin, par exemple. Il me répondait que lui non plus.

Pendant six mois cela a été une lutte contre le Bon Dieu. Petit à petit, tous mes prétextes se sont effondrés et au bout d’un moment, parce que le Bon Dieu ne m’a pas pris en traître quand même, il y a eu une grande paix dans mon cœur et je me suis dit : « Pose toi honnêtement la question une bonne fois pour toutes et si c’est non, c’est non et si c’est oui, c’est oui !
Il semblait que c’était oui . J’ai quand même eu aussi l’occasion d’être accompagné par un prêtre et un groupe de jeunes au service des vocations du Vaucluse. Donc ce n’est quand même pas du jour au lendemain que je suis entré au séminaire !

Et puis il y a eu un 21 novembre 1994....

Oui, ça a été l’élément déclencheur. J’étais au lycée, en classe de première. Et c’était le jour d’un contrôle qui ne s’était pas bien passé. Qu’est ce que j’allais faire de ma vie ? Ce jour là j’ai senti résonner dans mon cœur la question que mon curé m’avait posée, facilitée par toutes les autres rencontres évoquées . Et j’ai senti cette ouverture qui s’est presque imposée à moi : pourquoi pas prêtre ?

Sur un contrôle qui s’est mal passé ?

Ce n’est pas sur une déception sentimentale ou sur un malentendu que je suis devenu prêtre, mais de fait, la question se reposait avec insistance....pendant six heures. Puis à la maison, j’en ai reparlé à mes parents. Ils ont respecté, accompagné, cheminé aussi à leur niveau. Ce 21 novembre a été un jour particulier ; d’une part, c’était le jour de la présentation de la Vierge Marie, et je dois dire que très souvent dans ma vie la Vierge Marie a toujours été une accompagnatrice, une maman présente.

Votre famille était tournée vers Marie ?

Oui par la prière. Du côté de papa et maman, l’histoire religieuse est un peu différente mais on a toujours eu cet attachement à la Vierge Marie et son accompagnement qui aide toujours plus à découvrir le Bon Dieu.

Qu’avez vous ressenti au moment où vous vous êtes dit que vous alliez devenir prêtre ?

Une fois que j’ai commencé à être honnête avec moi-même, j’ai ressenti une grande paix. Dieu respecte toujours les personnes que nous sommes. Des confrères prêtres disent : « on ne tire pas sur les carottes pour les faire pousser plus vite ! ». Autant les prétextes étaient en rapport avec mes peurs, autant à ce moment-là, il n’y avait plus de peurs, mais de la paix. 
Et puis, six ans de séminaire et de rencontres m’ont montré que ce n’était pas qu’une idée à moi et qu’extérieurement aussi on me trouvait dans la paix et joyeux. Donc ce n’est pas qu’une question d’entêtement personnel. Quand je suis entré au séminaire, j’avais l’intention de me mettre à la disposition de l’Eglise, en me disant que je verrai bien ce que ça donne !

Et vous vouliez devenir prêtre dans ce diocèse ?

Oui ça c’est un élément très important pour moi, non que les autres diocèses ne soient pas bien, mais j’ai un tel attachement pour cette terre du Vaucluse, pour ma famille et pour toutes les personnes que j’y ai croisées dans différentes activités associatives ou autres, que j’avais envie vraiment de devenir prêtre pour tous ceux-là, pour accompagner les personnes qui ne connaissent pas encore Jésus, pour accompagner les personnes qui Le connaissent mais qui portent des choses difficiles, pour pouvoir prier avec elles et pour elles ; il n’y a pas que les prêtres qui peuvent faire ça mais le faire en tant que prêtre a toujours été un élément très important. De manière pas très délicate parfois, dans la page de garde de certains livres au séminaire, j’écrivais : Sébastien Montagard, diocèse d’Avignon...et fier de l’être !

Qu’est ce que vous aimez le plus dans votre foi ? C’est la Parole ?

La lecture régulière de la Parole de Dieu m’a beaucoup aidé, ainsi que la prière du chapelet, simplement parce que ce sont des occasions importantes et concrètes de vivre l’intimité avec le Seigneur Jésus. Si je me suis engagé, ce n’est pas pour des idées, même si les idées sont importantes : c’est pour une Personne, le Christ, que j’ai rencontré.

Et cette présence, vous l’avez tous les jours ?

Ça se vit dans la foi. Que les gens se rassurent : je n’ai ni apparition, ni voix qui se font entendre ; cela se donne à entendre dans le cœur. C’est plus discret. Mais vivre la vie de tous les jours en présence du Seigneur, ce n’est pas encore complètement fait : on chemine. Un des exemples qui a été très bon pour moi est l’exemple de tous ces vieux confrères prêtres, qui ont eu leurs hauts et leurs bas, mais qui ont vraiment grandi dans la fidélité au Seigneur et cette amitié quasi palpable.

Le Seigneur vous parle ?

De cette manière là, oui, dans le cœur ! En même temps, le Seigneur est délicat : j’ai un côté provençal un peu tête d’âne, un peu têtu. Le Bon Dieu est patient et quand Il veut se faire comprendre, à travers la Parole de Dieu, à travers la prière ou différentes rencontres, on peut avoir des indices et souvent, le Seigneur parle clairement à ce niveau là, tout en respectant notre liberté, et ça c’est fondamental pour moi.

Père Sébastien, est-ce que vous êtes heureux dans votre ministère ?

Oui. Il y a des hauts et des bas comme dans toute vie, mais oui.

Vous n’êtes pas trop seul ?

A certains moments oui. C’est une grande joie de pouvoir avec mes frères prêtres sur notre grand secteur du Ventoux avec Caromb et Mazan se retrouver plusieurs fois par semaine pour la prière, pour des repas, pour des temps de travail mais aussi pour des temps de détente, notamment pour les fêtes et anniversaires des frères prêtres. C’est la vie. Dans une famille on a ce genre de partage, alors entre prêtres aussi. D’autres parts, il est important de vivre l’amitié aussi avec des personnes qui n’ont pas le même état de vie que nous, notamment des couples mariés, pas seulement avec un des membres du couple, mais avec les deux. Et puis il y a la présence de la famille qui tient sa juste place. Moi j’essaie de ne pas trop les envahir, mais c’est important qu’ils soient là et ce qui fait leur joie fait ma joie aussi. C’est la vie de tout homme, de toute femme.