Cette année 2025 est une année jubilaire.
Cette tradition s’origine dans un appel ancien qui vient de la Parole de Dieu, où à intervalle régulier on annonçait une année de clémence et de libération pour le peuple. Jésus-Christ lui-même l’a reprise en inaugurant sa vie publique : “Le Seigneur m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le coeur brisé, proclamer aux captifs la délivrance, aux prisonniers leur libération… “ (Is 61,1-2).
“L’espérance ne déçoit pas !” Le pape François a voulu que la célébration de cette année jubilaire invite toutes celles et ceux qui sont éprouvés à demeurer dans l’espérance. Celles et ceux qui sont en prison en font partie et le 14 décembre a été retenu pour célébrer le Jubilé en détention.
Aujourd’hui, la surpopulation carcérale atteint un seuil historique en France. Elle contribue à une prise en charge dégradée – sentiment d’humiliation, augmentation de la violence et de l’oisiveté, perte du sens du travail pour les agents pénitentiaires.
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Elle empêche que les personnes détenues ressortent “meilleures” qu’au moment de leur incarcération et génère ainsi plus de récidive que de sécurité. Pour la société, la prison est la sanction la plus coûteuse, non seulement financièrement mais en termes de récidive. Toute mesure qui vise à augmenter la population carcérale va à l’encontre de la sécurité de nos concitoyens. Si la Justice doit légitimement sanctionner les crimes et délits, la loi pose le principe d’une peine qui vise à prévenir leur réitération et à réinsérer leurs auteurs. N’appréhender la sanction que comme châtiment qui doit faire mal, réduirait la peine à déshumaniser au lieu de relever. Choisir de restaurer dans leur humanité ceux qui ont failli en les aidant à assumer leur responsabilité et à envisager un nouvel avenir, c’est l’intérêt de toute la société, à commencer par les victimes. Des prisons qui débordent sont des prisons qui détruisent, où l’on n’enferme pas seulement les personnes condamnées derrière des murs mais dans une déchéance désespérée, comme s’il n’y avait plus rien à attendre d’elles. Personne n’y a intérêt. À l’occasion du Jubilé des personnes détenues, nous tenons à rappeler que tout être humain est créé à l’image de Dieu et que la dignité qui en résulte est inaliénable, indestructible. Personne ne peut être réduit à l’acte qu’il a commis, quel qu’il soit. La révélation de Dieu en Jésus-Christ nous dit qu’il paye de sa personne pour nous arracher au pouvoir du mal. L’évangile nous montre à chaque page Jésus qui fait bon accueil aux pécheurs, mange avec eux, les relève.
Nos aumôniers en détention sont témoins que derrière les murs d’une prison, l’amour du Christ relève, réconcilie et ouvre à l’espérance. La foi en un Dieu crucifié entre deux condamnés de droit commun pour nous libérer du cycle infernal de notre violence, ne peut s’accommoder du renoncement à croire en ce que chacun porte en lui de meilleur, de la désespérance de l’autre, d’une justice qui ne ferait que punir sans restaurer, d’une peine dans laquelle on n’offre pas à la personne condamnée les moyens d’aller vers le meilleur d’elle-même.
La Bonne Nouvelle de la révélation en Jésus-Christ est la rédemption de l’humanité et elle rejoint, au-delà du cercle des croyants, la vision d’une communauté fraternelle inscrite dans la devise de notre République.
Devant ce constat alarmant et inquiétant, nous souhaitons interpeler les responsables politiques et les juges de notre pays afin que nous nous engagions délibérément sur des voies nouvelles pour exercer la justice et condamner ceux qui commettent des infractions ou même des crimes. Le “tout carcéral” est une impasse.
Il existe d’autres manières de sanctionner en respectant vraiment la dignité des personnes tout en permettant un changement de comportement. Nous appelons non seulement les catholiques, mais aussi toutes les femmes et les hommes de bonne volonté, à ne pas renoncer à la perspective d’une fraternité inclusive qui est au fondement de notre société, à résister à la méfiance, au rejet de l’autre. Désespérer de l’autre conduit à un monde infernal fait d’exclusion et de violence toujours plus grande, à une société de plus en plus fracturée.
Cultivons la confiance, prenons soin de celles et ceux qui ont besoin d’être relevés.
L’Espérance ne déçoit pas !
Cardinal Jean-Marc Aveline,
Président de la Conférence des évêques de France
Mgr Jean-Luc Brunin,
Évêque référent de l’aumônerie catholique des prisons
Mgr Denis Jachiet,
Président de la commission Dialogue, bien commun et amitié sociale
M. Bruno Lachnitt, Aumônier général de l’aumônerie catholique des prisons
L’histoire du Jubilé des détenus
Le Jubilé des détenus s’inscrit dans la tradition du Jubilé biblique, un temps de libération et de renouveau, mais son application spécifique aux prisonniers est apparue progressivement dans l’Église au cours du XXᵉ siècle, lorsque certains Jubilés ont commencé à inclure des gestes particuliers envers les personnes incarcérées.
Cependant, c’est surtout avec le pape François, lors du Jubilé de la Miséricorde en 2016, que cette démarche a été vraiment remise au premier plan : il a institué un véritable « Jubilé des prisonniers », célébré par une messe à Rome et relayé dans de nombreuses prisons à travers le monde. Cette initiative met en lumière l’idée que la justice ne se réduit pas à la punition, mais doit aussi offrir un chemin de reconstruction et de dignité.
Le Jubilé des détenus est donc célébré pour rappeler que nul n’est défini uniquement par ses fautes, que la miséricorde est toujours possible, et que chaque personne incarcérée reste un être humain digne d’espérance et d’un avenir nouveau.
Léon XIV et le Jubilé des détenus
Dans l’encyclique Dilexi te, Léon XIV prolonge l’engagement de son prédécesseur François : l’Église doit rester fidèle à sa mission de proximité auprès des plus vulnérables. Il affirme que l’amour du Christ pour les pauvres — y compris les exclus, les fragiles, les captifs — n’est pas une option secondaire, mais le critère même d’un culte véritable.
Il cite une parole de Jésus, que lui-même tient du prophète Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres » (Lc 4, 18 ; cf.Is 61, 1), en rappelant que la libération des opprimés est depuis toujours un signe du Royaume de Dieu. Il ajoute ensuite : “Nous ne pouvons pas conclure cette réflexion sur les personnes privées de liberté sans mentionner celles qui se trouvent dans différentes prisons et centres de détention.” En cela, Léon XIV montre que, conformément à l’esprit de François, l’Église ne doit pas détourner les yeux : les détenus sont des frères et sœurs dont la dignité mérite compassion, soutien et espérance.
