Le Diocèse d’Avignon et le Coeur de Jésus

2007

1721 en Avignon

En 1721, la peste sévissait. En Avignon, une procession de pénitence, conduite par Mgr de Gonteriis en la fête de St Charles, se rendit au Premier Monastère de la Visitation pour la formulation d’un vœu au Sacré-Cœur comme cela avait été fait à Marseille par Mgr de Belzunce.

En 1720, encouragé en cette voie par Anne-Madeleine Remuzat - religieuse de la Visitation de Marseille -, Mgr de Belzunce consacre sa ville dévastée par la peste au Sacré-Cœur de Jésus. A sa suite, les archevêques d’Aix, d’Arles, d’Avignon, et les évêques de Toulon et de Carpentras donnent des mandements pour l’institution de la fête. Toutes ces régions adoptent bientôt le culte du Sacré-Cœur.

Voir aussi : Site Spiritualité chrétienne

1871 : Mandement de Monseigneur Louis-Anne Dubreuil

Mandement (en date du 12 février 1871) de Monseigneur Louis-Anne Dubreuil, archevêque d’Avignon (1863 –1880)

Nos très chers frères,

Ainsi que Nous l’avons annoncé dans notre dernière Circulaire, à l’exemple de plusieurs de Nos vénérés Collègues et jaloux comme eux d’attirer sur nos jours si troublés les bénédictions du ciel, Nous avons consacré Notre Diocèse au Sacré Coeur de Jésus. C’est donc tout naturellement que Nous venons au commencement de ce Carême, pendant lequel la cérémonie de cette consécration doit avoir lieu, vous entretenir en quelques mots, et dans toute la simplicité de Notre foi, de cette dévotion sainte.

Vers le milieu du XVIIe siècle, dans un Ordre aimé de Dieu et des hommes, parce qu’il est sorti de la pensée d’un grand saint, dans un des monastères de la Visitation, il arriva qu’une humble et pieuse fille, Marie Marguerite, celle que Pie IX vient de déclarer bienheureuse, reçut une communication du ciel. Le Seigneur lui apparut et lui montrant son Cœur tout resplendissant ; il lui dit : Voilà ce Coeur qui a tant aimé les hommes, je veux qu’il soit l’objet d’un culte particulier, je veux que pendant l’octave du St Sacrement, le vendredi, jour de ma
mort, il y ait par toute la terre une solennité en l’honneur de ce Cœur sacré.

Cette humble fille qui ignorait que Dieu se sert des plus faibles instruments pour les plus grandes choses, se méfia d’elle-même ; cependant, comme elle le devait aux règles du cloître, elle en fit la confidence à sa supérieure et aux plus vénérables de ses compagnes. Mais ses compagnes et la supérieure se méfièrent aussi ; elles la condamnèrent au silence et à une inaction qui dura vingt ans malgré la voix sainte qui lui parlait toujours, malgré une force invincible qui la poussait et qu’elle souffrait à contenir.

Mais Dieu se chargea lui-même de glorifier sa servante et de réaliser ses desseins de grande miséricorde ; il le fit par un miracle. Une peste, que ses horribles ravages et le dévouement d’un grand évêque ont rendue à jamais célèbre, désolait Marseille, à ce point que cette grande ville était menacée de devenir une solitude. L’art des médecins les plus vantés avait été impuissant, et ni les prières, ni les pénitences les plus austères, rien ne pouvait conjurer la colère d’en haut. L’illustre Belzunce, dont deux neveux morts sur nos derniers champs de bataille viennent de rajeunir l’immortalité, avait été instruit depuis peu et providentiellement des merveilles qui se passaient dans le monastère de Marguerite. Cette révélation de la sainte religieuse fut une révélation pour lui. Saisie tout à coup de cette sainte confiance qui est un avertissement du ciel, dans une grande cérémonie, au milieu d’un concours immense, avec l’assentiment de tous, il consacra son peuple, ainsi que sa ville bien-aimée au Sacré-Coeur de Jésus ; deux fois il fit cette cérémonie et cette consécration, et deux fois, à la grande surprise de la cité, le fléau disparut comme par enchantement.

C’est à ce miracle et à d’autres qui sont venus le confirmer, que cette dévotion doit de s’être réveillée, de s’être accrue sous le nom du Sacré-Cœur, qu’elle doit de se répandre tous les jours davantage parmi les fidèles où elle est si sympathique et si populaire.
Nous n’ignorons pas, nos très chers frères, qu’elle a eu ses détracteurs, nous savons que des hommes, qui ont toujours cherché à mettre des bornes à la miséricorde de Dieu, l’ont critiqué comme une innovation ainsi qu’au point de vue de son objet et de sa légitimité, mais il est aisé, quand on y réfléchit, de voir que cette dévotion n’a de nouveau que le nom, ainsi que la révélation faite pour la ranimer, et nous n’hésitons pas à affirmer avec l’Eglise, qu’il n’y en a pas de plus recommandable de par son antiquité, de plus respectable dans son objet, de plus admirable dans ses fruits.

Recommandable par son antiquité... Elle était dans la crèche avec Jésus-Christ, avec le christianisme naissant ; elle était à la table de la Cène avec les apôtres, sur le chemin du Calvaire avec Véronique ; elle était aux catacombes avec les vierges qui priaient, aux cirques avec les martyrs qui les inondaient de leur sang ; elle était au désert avec les solitaires, quand leurs célestes aspirations en ravissaient le silence ; comme elle fut plus tard avec Augustin quand il s’est écrié : mon cœur, ô mon Dieu, ne trouvera la paix que quand il aura trouvé le vôtre ; comme elle fut avec Saint Bernard quand il épanchait sa soif dans les plaies sacrées, en paraphrasant le cantique des cantiques ; comme elle fut avec le doux et incomparable évêque de Genève ; comme elle fut dans tous les âges, dans tous les lieux, même sous la tente où les patriarches saluaient de loin les promesses de l’avenir ; comme elle fut partout où le cœur de l’homme abattu sous l’influence de celui de Dieu. Car la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus... c’est le culte de l’amour.

Respectable par sa légitimité et dans son objet qui, ainsi que l’a dit un Souverain Pontife en approuvant cette dévotion, n’est autre que Jésus-Christ considéré dans sa tendresse pour nous, n’est autre que Dieu lui-même, Deus caritas est. C’est une idée inhérente à notre nature et nous l’avons tous, que tout ce que l’homme fait de grands vient du coeur ou plutôt de ce qui aime en nous. Les grandes pensées viennent de là, a dit un moraliste d’après Jésus-Christ qui l’avait dit avant lui, il faut qu’elles s’élaborent, qu’elles passent avec la vie de l’esprit, par cette fournaise ardente féconde pour y prendre en même temps que le sentiment ce je ne sais quoi de sympathique, ce je ne sais quoi d’achever qui manque aux choses humaines quand le coeur leur est étranger. C’est pour cela que lorsque les héros, lorsque
les saints, qui sont des héros aussi dans l’ordre de la grâce, meurent, c’est à leur cœur que nous rapportons tous les souvenirs qu’ils ont légués à la postérité, et c’est à leur cœur, dont nous aimons à garder ce qui fut mortel, que nous rendons un culte d’admiration et de reconnaissance.
Nous entreprenons de longs voyages, nous passons les mers pour aller visiter les bords du Jourdain, où Jésus-Christ reçut le baptême, où il vit le Saint Esprit sous la forme d’une colombe descendre sur lui ; nous allons prier sur la montagne où il est mort, au Saint Sépulcre où il est ressuscité, et nous ne pourrions rendre aucun hommage au Cœur par qui ces lieux nous sont devenus si vénérables ; le culte que nous rendons au cœur des héros, le culte que nous rendons au Cœur des saints n’étonne personne, et celui que nous rendons au Cœur de Jésus-Christ pourrait étonner notre piété !

Non, disons-le tout haut, il n’est point de culte plus légitime que celui qui a pour objet ce Cœur sacré. Il n’en est pas de plus justement, de plus noblement acquis, car ce culte, ce Cœur sacré l’a conquis par son sang comme il a conquis la terre, comme il a conquis l’Eglise : “quam acquisivit sanguine suo” (Act 20, 28), car il l’a conquis par les fruits admirables de sa bonté pour les hommes, il l’a conquis par ses bienfaits.
C’est de ce Cœur qu’est sortie la résurrection de Lazare, la multiplication des pains ; c’est de ce Cœur qu’est sorti le sacrement auguste par lequel Dieu s’est fait le compagnon de notre exil dans cette vallée de larmes ; c’est de ce Cœur qu’est sortie cette éloquence qui faisait oublier la terre, qui faisait dire aux femmes de Juda : heureuse les entrailles qui l’ont porté, “Beatus venter qui te portavit” (Luc 11, 21) ; c’est de ce Cœur qu’est sorti ce livre sublime et divin qui a détruit la servitude, qui a créé la société chrétienne, qui a refait le monde : l’Évangile ! Les cieux racontent la gloire de leur auteur, “Coeli enarrant gloriam Dei” (Ps 18, 1) ; et ses œuvres racontent la gloire du Cœur de Jésus. Qui peut énumérer tout ce que son amour a puisé là, qui peut énumérer tout ce que y ont puisé les hommes ? Je suis, disait Jésus-Christ aux juifs, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Il semblait être fier, plus encore que des astres qu’il a semés dans les cieux, de ces hommes au regard prophétique qui, ainsi que nous venons de le dire, s’étaient formés de loin et par une étude antérieure sur le modèle de ce Cœur divin. Il n’a pas le droit d’être moins fier des hommes qui sont venus depuis et qui se sont formés aussi à cette grande école. Que n’avait point puisé là Paul, ce conquérant des Gentils, ce sublime apôtre dont St Chrysostome a pu dire que son Coeur, tant il s’était fait à sa ressemblance était le Cœur du Christ, Cor Pauli erat Christi et cet autre conquérant, cet Alexandre des victoires évangéliques, Xavier, qui semblait trouver le monde trop petit pour son zèle ? Que n’y puisait pas Saint Louis qui après s’être entretenu avec lui, créait la Sainte-Chapelle comme un souvenir de son entretien : c’était son acte d’amour. Que n’y a point puisé l’ange de l’école, Saint-Thomas, qui après avoir mis sa tête dans le tabernacle l’en retirait étincelante de génie, qui après avoir touché de ses lèvres le pain que nous envient les anges, faisait entendre à la terre une poésie digne de le chanter !

Non, nous ne finirions pas, si nous voulions faire connaître toutes les grandes aspirations, toutes les grandes œuvres, tout ce que de nobles existences, tout ce que l’humanité a trouvé de force, de vertu, de fruits admirables de vie, à cette source d’où l’amour divin comme un fleuve bienfaisant s’est répandu sur le monde. C’est pour cela que l’humanité qui se souvient, aime à remonter vers elle, soit pour y porter sa reconnaissance et tout ce qu’elle peut donner d’amour en retour de celui qu’elle a reçu, soit surtout pour s’y retremper. Jean, la veille de la Passion, sentit le besoin de se fortifier, de se reposer sur le Cœur de Jésus ; l’humanité, dont il était le représentant auprès de la Croix, et nous tous qui dans cette vie condamnée à la douleur, sommes entre le lendemain et la veille d’une passion, d’une épreuve, nous avons besoin de nous y reposer aussi. Dans ce siècle qui flotte à tous vents de doctrine, entouré de tant d’illusions, de tant d’erreurs, l’humanité a soif de la vérité, elle a soif de la foi qui fait briller sur elle les clartés du ciel, et elle va au Cœur de Jésus, d’où sort une vertu qui la donne, au Cœur de Jésus, où on peut entrer avec le doute ; où on peut entrer incrédule comme Thomas ; mais d’où on ne sort jamais, si on s’est sérieusement appliqué à le comprendre, sans avoir reconnu sa divinité, sans y avoir trouvé Dieu, sans s’écrier comme ce soldat romain qui l’ouvrit le premier avec sa lance : “c’était vraiment le Fils du Très Haut”. Mt 27, 54

Le Cœur de Jésus est une source de vérité et de foi : il est encore une source de consolation et de bonheur.
Il en est beaucoup, pour ne pas dire tous, pour qui le bonheur n’est hélas ! qu’un inconnu. Il en est beaucoup qui fatigués de leurs recherches, découragés et maudissant peut-être cette voix secrète, cette force invincible qui nous le fait poursuivre le regardent comme un nom sans réalité, comme un mirage trompeur, comme une vaine et cruelle apparence. Nous nous sommes arrêtés au seuil de la chaumière, nous avons demandé si le bonheur l’avait visitée. On nous a répondu qu’il s’y était assis un instant, mais qu’il avait disparu aussitôt comme un voyageur qui ne revient plus.
Nous avons frappé à la porte des palais, mais nous n’avons pas attendu la réponse ; nous avons compris qu’il n’y était jamais entré... Nous en avons connu cependant qui était heureux, nous en avons vu qui ne possédaient rien et qui semblaient posséder plus que les trésors d’ici-bas, tamquam nihil habentes et omnia possidentes : “nous en avons vu qui surabondaient de joie, au fond d’un noir cachot” (2 Cor 6, 10), “sous le poids des chaînes” (2 Cor 7, 4), nous en avons vu de même pour qui les souffrances étaient un besoin, une volupté telle qu’ils s’écriaient : ou souffrir ou mourir ; “ils avaient bien quelques moments de tristesse, le bonheur sans mélange n’est qu’au ciel, mais leur tristesse se changeait presque aussitôt en joie” (Jn 16, 30).

C’était ceux qui s’étaient retirés là où le trait qui blesse n’atteint point, ceux qui s’étaient retirés dans le Cœur de Jésus, qui avaient su lire cette parole : “heureux ceux qui pleurent parce qu’ils seront consolés” (Mt 5, 5). Et cet autre : “il a fallu que le Christ lui-même souffrit pour entrer dans sa gloire” (Lc 24, 26). C’était ceux qui avaient entendu cette douce invitation : venez à moi vous qui êtes dans la peine et je vous soulagerai (Mt 11, 28). Venez donc, ô vous tous qui êtes affligés, venez vous surtout mères désolées à qui nos calamités publiques ont imposé le poids de tant de douleurs ; vous qui aviez montré tant d’héroïsme et de résignation, quand vous donniez vos enfants à la Patrie, vous qui aviez caché vos larmes de peur d’attendrir vos adieux, et qui en avez tant versé dans votre foyer demeuré vide, depuis qu’il vous a
été dit comme autrefois à Rachel : “vous ne le reverrez plus. Venez ! Jésus-Christ qui comprend toutes les douleurs” (Is 53, 3), comprend plus particulièrement la vôtre, celle de la mère chrétienne ; parce que c’est lui qui a mis l’amour maternel au fond de ses entrailles, parce que cet amour il l’a fait avec le sien. Jésus-Christ vous appelle pour vous dire comme autrefois aux sœurs de Lazare : “resurget” (Jn 11, 25), votre fils ressuscitera. Il est tombé sur le champ de bataille, mais il est tombé en pensant à son Dieu, au Dieu de sa mère, il est tombé martyr du devoir, martyr de la patrie, et mes anges l’ont relevé pour le porter aux cieux.

Et vous dont les fils sont des exilés, des captifs transportés, comme autrefois les enfants d’Israël, sur les rives des fleuves étrangers, vous dont la pensée inquiète n’est plus ici, parce que comme votre cœur elle les suit au loin, venez. Jésus-Christ a encore pour vous des paroles de consolation, venez ; il vous dira qu’il ne tombe pas à un cheveu de votre tête sans sa volonté et que celui qui suit d’un œil attentif les petits des oiseaux, celui qui, lorsque le printemps arrive, les rend au ciel qui les a vu naître, rendra bientôt au foyer paternel les enfants de son peuple.

Et vous, à âmes nobles et fortes, vous qui vous élevez au-dessus de vos propres douleurs pour ne songer qu’aux douleurs de la Patrie, vous qui l’avez vu si prospère, si justement fière de ses victoires et qui la voyez maintenant si éprouvée, si trahie, par ce que nous appelons la fortune, venez parler au Cœur de Jésus de cette France de Charlemagne qui lui avait été consacrée, qui l’avait trop oublié peut-être, demandez pour elle, non pas le courage, - ce courage a pu être surpris, par des multitudes innombrables, trompé par des armes inconnues qui l’ont rendu trop souvent inutile, tout héroïque qu’il était - il n’a pu lui faire défaut, mais demandez pour elle des mœurs austères, les mœurs patriarcales de nos pères, l’esprit chrétien, et l’horreur des discordes fatales, par lesquels, plus que par leur multitude, plus que par leurs armes, il a été donné à nos ennemis de prévaloir un moment contre nous. Dites-lui : Seigneur, le peuple qui était l’instrument de votre droite, qui a fait dans le monde tant de choses avec vous, ce peuple que vous avez tant aimé souffre : “quem amas infirmatur” (Jn 11, 3). Vous avez fait les nations guérissables et c’est souvent par les épreuves dont vous faites une grâce, que voulez élever ; faites que la nôtre régénérée par le malheur noblement supporté et reposée dans une honorable paix, retrouve bientôt sa force, sa place, son influence première. Dites-le avec piété, avec fois et vous serez exaucé.

La grandeur de la France est nécessaire au monde, et le Vicaire de Jésus-Christ a besoin que nous lui donnions la main pour remonter sur le trône de Pierre. Ayons confiance, il nous attend. Je ne finirai pas sans vous rappeler que, sur la demande de la catholicité tout entière et sur celle des évêques présents au Saint Concile du Vatican, le Souverain Pontife, toujours attentif à ce qui peut attirer sur nous la protection du ciel, vient pour satisfaire, pour augmenter notre dévotion envers Saint-Joseph, époux de Marie et le père nourricier de Jésus-Christ, de déférer solennellement à ce saint patriarche le titre de Patron de l’Eglise et d’élever à un rang supérieur la fête que nous célébrons pour lui tous les ans, le culte dont nous l’honorons. Nous avons reçu de la Sacrée Congrégation des Rites un décret qui promulgue cette décision et que nous promulguerons avec une grande consolation pour notre diocèse. Je n’ai pas besoin de vous recommander d’en écouter la lecture avec l’attention respectueuse qui est due à ce qui nous vient de si haut et d’en garder précieusement souvenir dans votre cœur.

À ces causes, après en avoir conféré avec nos vénérables frères des chanoines et le chapitre de notre église métropolitaine, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

1. En ce qui concerne le Sacré-Cœur de Jésus.

Article premier. Pour appeler les bénédictions du ciel sur notre diocèse, nous le consacrons au Sacré-Cœur.

Article deux. la cérémonie de cette consécration aura lieu le cinq jours de pacte dans notre métropole, ainsi que dans toutes les églises et chapelles du diocèse.

Article trois. le soir avant la bénédiction du Saint-Sacrement, on lira l’amende honorable et la queue de consécrations qui seront suivies du verset : Cor Jesu sacratissimum, miserere nobis, ainsi que du verset : Cor Mariae Sacratissimum, ora pro nobis, avec leurs oraisons.

2. En ce qui concerne la fête de Saint-Joseph… (…)

Et sera notre présent mandement lu et publié dans notre église métropolitaine, au prône de toutes les messes paroissiales, dans les séminaires, dans les communautés religieuses dans les chapelles de tous les établissements publics du diocèse, le dimanche de la quinquagésime.

Donné à Avignon, ou notre sein, le saut de nos armes et le contreseing de notre secrétaire général,
le 12 février 1871.

Louis-Anne,
archevêque d’Avignon
Par mandement de Mgr,
Chabert,

Chanoine honoraire, secrétaire général

Annonce et compte-rendu de la cérémonie de consécration du diocèse


Le saint jour de Pâques, ainsi que le prescrit le mandement de Mgr l’archevêque, le soir, avant la bénédiction du Saint-Sacrement, aura lieu, à la métropole et dans toutes les églises et chapelles du diocèse, la cérémonie de la consécration au Sacré-Coeur de Jésus.
À l’occasion de la consécration du diocèse de Sacré-Coeur, il y aura sermon, le jour de Pâques, dans l’église métropolitaine. Ce sermon, sera prêché, immédiatement après les vêpres pontificales, par le Révérend Père Bouffier.

Chronique diocésaine - Avignon le 10 avril 1871

Dans son dernier mandement du Carême, où il avait traité, avec une grande hauteur de vue et un bel accent de piété, la dévotion au Sacré-Coeur, notre vénérable archevêque avait consacré son diocèse à ce Cœur adorable et avait ordonné que, dans toutes les églises paroissiales et dans toutes les chapelles des établissements religieux, la cérémonie de cette consécration se ferait solennellement le saint jour de Pâques.

C’est ce qui s’est accompli hier dans nos temples et au milieu d’un tel concours, qu’il a semblé partout que jamais influence de fidèles n’avait été, à pareil jour, aussi nombreuse.

À la métropole, la messe, le coeur, les tribunes, les chapelles, jusque l’atrium et le porche, tout était comble bien avant l’heure de l’office. C’est là l’église mère de tout le diocèse et c’est de la consécration du diocèse qu’il s’agissait. Là l’acte de consécrations devait être fait par celui qui est à la fois l’évêque et le père du diocèse. On se rend facilement compte d’un concours si considérable.

La cérémonie s’est ouverte par une belle prédication du R. P Bouffier, sur la prédilection du Cœur de Jésus pour la France. Les pensées, l’expression et l’action oratoire de ce discours nous ont prouvé, ce qui a fait plaisir à tous, que l’esprit, l’imagination, l’invention, la chaleur de l’âme, en un mot le talent de l’orateur, loin de faiblir chez le père Bouffier, à la suite des maladies qui si longtemps l’ont éprouvé, vont toujours se développant.

Telle nous a paru être le jugement de sa grandeur, quand, au début de l’excellente glose qu’il a faite de ce sermon, il a appliqué au prédicateur, avec autant de délicatesse que d’à-propos, la célèbre parole de Jésus-Christ à saint Thomas d’Aquin, après ses beaux écrits sur le sacrement de l’eucharistie, la belle invention du Cœur du Sauveur : bene scripsisti de me, Thoma.

Dans cette glose, magnifique allocution qui a immédiatement précédé l’acte de consécration au Cœur de Jésus, notre éminent Prélat, confirmant ce que le prédicateur avait dit, nous a encore entretenu, dans le beau langage qu’il sait parler, des prédilections du Cœur de Jésus pour la France. Mais en traitant un tel sujet, dans les circonstances présentes, pouvait-il bien ne pas parler de nos malheurs ? Il en a parlé : il a vu la France, dans la douleur qu’elle ressent de cette guerre fratricide que ces enfants se font dans ses entrailles, autorisée à s’écrier, comme autrefois la femme d’Isaac, qui portait dans son sein deux peuples ennemis : si sic mihi futurum erat, quid necesse fuit concipere ! (Gen 25, 22). Mais quelle belle explicitation il a donné de ses malheurs ! Nous voudrions ici rendre ses pensées avec ses propres expressions, pour ne rien affaiblir, ne rien décolorer. L’infidélité de notre mémoire nous oblige d’y renoncer. L’orateur nous a dit qu’il y a des malheurs envoyés par la providence pour nous châtier de nos fautes, mais que ceux-là nous les réparerons, en nous humiliant sous la main puissante de Dieu et en nous pénétrant profondément de cet esprit chrétien qui fait le salut des nations. Il a ajouté qu’il y en a d’autres, qui ne sont que le contrepoids d’une élévation extraordinaire, que de ceux-là nulle grandeur, hors celle de Dieu, n’est exempte, mais que ces malheurs là apportent leur consolation avec eux, car ils sont la suite, le souvenir, la constatation d’une grande gloire. Enfin il nous a parlé de malheurs qui ne sont ni le châtiment de la faute, ni le contrepoids de l’élévation, mais l’occasion de se grandir en les supportant noblement, et ceux-là ne sont qu’une grâce. C’est ainsi qu’en avait jugé le saint homme Job, l’homme le plus juste de son époque et en même temps le plus éprouvé. La France peut tenir le langage qu’il a tenu : elle peut dire comme lui : je sais que mon rédempteur est vivant… et qu’au dernier jour je surgirai de la terre. Et dans ma propre chair je verrai le Seigneur. Comme Job, la France verra, après des jours mauvais, des jours glorieux et prospères. Alors pénétré de reconnaissance pour les faveurs que nous saurons de tenir que de Dieu, modeste dans la gloire et tempérant dans les prospérités, nous répéterons le cri de nos pères : vive Jésus qui aime les Francs.

Le silence profond, on pourrait dire solennel, qui a régné pendant le sermon du père Bouffier et l’allocution du docte prélat, a annoncé avec quel intérêt leurs paroles étaient accueillies et l’impression profonde et salutaire que les âmes en ressentaient. À la suite de son discours, Sa Grandeur a prononcé, d’une voix émue la consécration au Sacré-Coeur, et la cérémonie s’est clôturée par la bénédiction du Très Saint Sacrement.

Consécration du diocèse par Monseigneur Cattenoz
Mars 2007

Voir la prière de consécration