"Vous savez bien que l’expérience du beau, du beau authentique, pas éphémère ni superficiel, n’est pas quelque chose d’accessoire ou de secondaire dans la recherche du sens et du bonheur, car cette expérience n’éloigne pas de la réalité, mais, au contraire, elle mène à une confrontation étroite avec le vécu quotidien, pour le libérer de l’obscurité et le transfigurer, pour le rendre lumineux, beau.Une fonction essentielle de la véritable beauté, en effet, déjà évidente chez Platon, consiste à donner à l’homme une « secousse » salutaire, qui le fait sortir de lui-même, l’arrache à la résignation, au compromis avec le quotidien, le fait souffrir aussi, comme un dard qui blesse, mais précisément ainsi le « réveille », en lui ouvrant à nouveau les yeux du cœur et de l’esprit, en lui mettant des ailes, en le poussant vers le haut."
Ce que nous confie l’Église universelle par cet extrait du discours de Benoît XVI adressé aux artistes le 21 novembre 2009 vient introduire pour notre Église locale du diocèse d’Avignon aujourd’hui l’interview de Thierry Jourdan, réalisateur du documentaire « Au coeur d’une restauration » sur les travaux de la cathédrale de Cavaillon qui a été rouverte fin 2024.
Il sera diffusé pour l’avant première à Noves le 12 décembre prochain à 20h30 et d’autres séances suivront que nous mettrons à jour au fur et à mesure.
Interview de Thierry Jourdan :
Comment est né ce projet ?
Ce projet est né par surprise. À l’origine, la mairie de Cavaillon nous avait simplement contactés, en mai 2020, pour un reportage court destiné à internet. Au fil des mois, en découvrant l’ampleur des travaux et la beauté qui renaissait pierre après pierre, nous avons réalisé que ce lieu devenait véritablement exceptionnel. C’est là que nous avons décidé de transformer ce reportage en un véritable film documentaire, destiné au grand écran. Une décision qui s’est imposée comme une évidence.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans ce tournage ?
Sans hésiter, les artisans. Ou plutôt : les artistes. Leur talent dépasse largement la technicité. Leur savoir-faire est habité. Je me souviens d’un sculpteur que nous interviewions : il taillait le bois tout en répondant à nos questions, avec une aisance désarmante. Là où nous mettons de l’eau à bouillir pour simplement faire cuire des pâtes, lui façonnait une œuvre en trois dimensions en plaisantant, en riant… C’était fascinant de le voir créer la beauté avec une spontanéité aussi naturelle.
C’est long d’attendre 5 ans pour filmer toutes les étapes d’un documentaire aujourd’hui. Qu’est-ce que ce temps-là a pu apporter de plus au contenu du film ?
Étonnamment cela nous a paru court. Suivre cette cathédrale qui renaît patiemment, étape après étape, était un vrai bonheur.
Le temps, dans ce projet, a été un maître. Dans un monde où tout s’accélère jusqu’à nous faire parfois perdre le sens, ces artisans nous ont transmis une leçon essentielle : le temps est tout sauf un obstacle, c’est notre un allié. Il permet aux choses de se faire juste. Il laisse vivre les gestes, les visages, la lumière, la patience… C’est un hommage au savoir-faire.
Qu’est-ce qui vous a le plus touché dans cette cathédrale de Cavaillon ?
Un moment inoubliable à l’extérieur de la cathédrale. Le jour de la fonte des cloches, réalisée comme au Moyen Âge.
Voir le métal en fusion couler dans la terre… c’était presque mystique. Un spectacle ancestral, puissant, d’une beauté brute. Plus largement, la cathédrale porte en elle près de deux mille ans d’histoire, des vies passées, des prières, des joies, des larmes, des unions, des adieux… Tout cela se ressent. On y perçoit une lumière intérieure, une présence qui touche la beauté de nos âmes.
Cela vous a donné envie de mettre en images divers aspects de la foi chrétienne. Vous avez aussi tourné un documentaire dans une abbaye située dans le diocèse. Pourquoi ce thème de la foi dans votre travail ?
Parce que la foi traverse l’humanité. Que l’on soit croyant, d’une autre religion ou même athée, chacun ressent un besoin profond de communion, de beauté, de sens. Dans l’abbaye de Blauvac, où nous tournons notre prochain film auprès des sœurs cisterciennes, nous retrouvons cette même évidence : la vie parle à tout le monde, parce qu’elle touche à l’essentiel — la chaleur humaine, la contemplation, la paix intérieure. Un sourire d’enfant, un paysage, un rayon de soleil, un rire partagé… tout cela raconte quelque chose de Dieu. Sa main nous accompagne, nous relève, nous apaise. C’est cette lumière que nous essayons d’attraper en image.
Le service diocésain de la communication
14 décembre 2024, jour de la réouverture de la cathédrale de Cavaillon
