Juliane Picard (1924-2020)
Témoin de la déportation et témoin du Christ

8 octobre 2020

Juliane Picard, rescapée d’Auschwitz, juive non croyante convertie au christianisme, résida à la maison de retraite du Quinsan (Venasque) jusqu’à son décès, dimanche 4 octobre 2020, à l’âge de 96 ans.
Ses funérailles ont été célébrées mercredi 7 octobre 2020 à la chapelle Sainte-Emérentienne de l’Institut Notre-Dame-de-Vie, dont elle était membre associée.

Née le 18 Juillet 1924 à Paris, Juliane Picard est arrêtée à Paris le 22 mars 1944, alors qu’elle était étudiante en médecine. Déportée au camp d’Auschwitz, elle est libérée en juin 1945.

Mariée, elle rencontre le Christ soudainement en Suisse sur un Calvaire au bord du chemin le 7 décembre 1957, et reçoit le baptême en février 1960.
Devenue veuve en 2000, elle s"installe à la Résidence du Quinsan en 2001, et y vit une vie de prière, de foi ardente et de témoignage auprès des jeunes et moins jeunes.

Entretien avec RCF Vaucluse (13 février 2019)

Anne-Marie Aubanel de RCF était allée rencontrer Juliane Picard en février 2019 à la résidence du Quinsan à Venasque.

Pendant de très nombreuses années, Juliane Picard n’a eu de cesse de témoigner de son expérience de vie, auprès des jeunes, dans les établissements scolaires.

« En arrivant à Auschwitz, ayant eu la perception des horreurs qui nous attendaient, et ayant la certitude de ne pas avoir beaucoup de chances de survie, nous nous étions promis que s’il y en avait une qui s’en sorte, elle devait raconter ! »

Elle est l’auteur d’ouvrages de témoignages sur sa captivité et sa conversion. Pourtant, son intention première n’était pas d’écrire, tout comme il lui était impossible à l’époque de parler à sa famille de cette période si terrible.

C’est sur la demande de l’aînée de ses petits-enfants que le premier témoignage sera fait en classe. Et c’est à l’issue de cette rencontre, que sa petite-fille l’a priée d’écrire pour elle, ses souvenirs. Son fils l’exhortera à publier ce manuscrit trop important pour ne pas être diffusé.
En arrivant dans le Vaucluse, Monseigneur Bouchex, ayant lu son livre, la convoque et lui demande : « Madame, je veux savoir comment de juive athée, vous êtes devenue chrétienne pratiquante »

« J’ai rencontré le Christ l’hiver 1957, quand j’ai dû me séparer de ma fille handicapée mentale profonde qui devait rejoindre un centre d’éducation spécialisé en Suisse. Cela a été le jour le plus noir de ma vie ! »

Auschwitz....elle y retournera trois fois, car elle en avait besoin dit-elle, notamment avec des jeunes et une autre fois avec une de ses petites-filles qui sera très impressionnée.

Il a toujours été important pour Juliane Picard que le témoignage donné, soit transmis aux nouvelles générations, afin, dans un monde où les conflits armés fleurissent partout, d’essayer malgré tout de préserver la paix.

Témoignage d’une étudiante (8 octobre 2009)

Nous avons eu la chance d’entendre le témoignage de Mme Picard à la Mission Etudiante à la Chapelle Sainte Marthe. Juive, à l’âge de 19 ans, elle a été arrêtée et déportée dans les camps de concentration d’Auschwitz.

Entendre un témoignage comme cela est bouleversant, mais c’est encore plus impressionnant de l’entendre se présenter comme « témoin de la déportation et témoin du Christ » . Elle s’est convertie plus tard, une fois libérée, mais ce qui m’a frappée dans son récit, c’est tout d’abord qu’au milieu de l’atrocité vécue, elle parlait de cet « amour d’amitié »… « On peut vivre sans pain mais non sans amour » dit-elle souvent. Cette amitié, créée avec quelques femmes déportées, leur a donné une force au milieu de la mort. Plus tard, après sa conversion, elle explique qu’elle reconnaîtra que c’était le Christ qui était la source de cela.

Quand elle est sortie des camps, elle pensait avoir assez souffert pour toute sa vie, mais elle s’est mariée et a eu des enfants dont une fille handicapée qu’elle a dû confier à une structure très loin de chez elle… C’est dans ce moment de souffrance (souffrance encore plus grande que celle d’Auschwitz nous dira-t-elle) qu’en montant un calvaire elle a eu une rencontre avec le Christ qui Lui disait « Non ! Tu n’es pas seule, moi aussi j’ai souffert et je souffre avec toi ! ». Cette Parole du Christ en Croix a bouleversé toute sa vie.

Depuis cette rencontre et sa conversion par la suite, on voit une femme qui est profondément persuadée aujourd’hui, que l’Amour a vaincu la mort et qui l’a expérimenté de manière impressionnante. Ce qui m’a le plus marquée, c’est la force de vie qu’aujourd’hui elle a pu nous transmettre, force d’espérance et de pardon ! Oui, le pardon n’est pas facile, surtout après avoir vécu de telles souffrances. Mais elle nous disait qu’on ne pouvait pas vivre avec une haine dans le cœur et que pour « casser la chaîne de la haine » il n’y avait qu’une solution : répondre par l’amour…

Une jeune, à la fin de ce témoignage, me disait combien elle avait été bouleversée justement par cette force de vie que Mme Picard nous avait transmise, et que ses paroles de pardon lui paraissaient tellement vraies. C’est impressionnant de voir jusqu’où la rencontre avec le Christ a pu transformer sa vie après de telles souffrances, et que cette phrase de la Parole de Dieu « l’Amour est plus fort que la mort » est si vraie…

Ségolène Bedouin

Source : https://www.jeunes.diocese-avignon.fr/Des-jeunes-temoins-a-la-Fac.html