Evangélisation : pourquoi ça ne marche pas ?

6 avril 2017

Extrait du Bloc-Notes d’avril 2017


Ainsi font leur train-train les usages qui ont figé ou même vidé nos églises, parce que cet ordre des importances et par là, celui des énergies, ont asphyxié tous ceux qui n’ont jamais tissé leur appartenance à une communauté, quand il y en avait une  ! Nos prêtres ont appris à hiérarchiser leurs objectifs dans l’ordre des wagons. C’est cet ordre des tâches qui est mis en question par James Mallon. Détaillons…

La conduite

La conduite, c’est la probité, souvent la bonne éducation chrétienne, la correction consentie au confessionnal, la conformité à l’enseignement social de l’Eglise. C’est encore la demande aujourd’hui et souvent du clergé. La première demande  ? Il s’ensuit que cette porte d’entrée dans la foi est clivante, parfois même une machine à refouler. Les gens du siècle ont maintenant leur quant-à-soi et ne veulent plus se faire dicter leur conduite par quiconque, à commencer pour ce qui touche à leur alcôve. Le pape François en fait des tonnes pour desserrer le corset de nos crispations devant les «  périphéries  ». Divorcé  ? Alors exclu. Mère célibataire  ? Alors bien fautive et ainsi de suite… Une machine à refouler. Résultat effrayant parce que la conduite ne peut se convertir que dans la vitalité de la foi.

La croyance

La croyance, c’est comme à l’époque des premiers doctrinaires l’adhésion au corpus du catéchisme, le plus souvent depuis l’enfance. Vous le dites ou l’entendez : «  Nos enfants ont tout eu, le caté, le patronage, le scoutisme, des saints prêtres et des saintes religieuses et maintenant, ils ne croient plus à rien  ». Ceux qui ne se sont pas écartés récitent le Credo et peuvent écouter pendant 80 ans les prêches de leurs curés, avant de devenir sourds. Leur foi sera discrète, secrète et silencieuse. Ils n’en diront rien. Ils viennent le dimanche faire leur «  devoir  » (la conduite)  ; la foi est de l’ordre de la vie privée, n’est-ce pas  ? Cette foi n’amène que peu ou pas du tout à construire une communauté et nous en faisons tous l’expérience au point de consentir à faire «  du lien  » près de nos clochers : apéros, dîners-théo, tables ouvertes, thé-catho … Ce «  lien  » était bien notre dernière intention  !


L’appartenance

«  Les croyances sont changées par la construction d’une certaine confiance fondée sur des relations, et un sentiment d’appartenance.  »
C’est l’expérience incassable d’une vraie fraternité, c’est la certitude d’être accueilli comme sujet disent les psychos, de n’être pas jugé, de ne pas passer pour… Etre connu par son nom, oser s’approcher, être bien et content de revenir, d’accueillir et d’être accueilli : être apprivoisé dirait le renard. Seulement cela  ? C’est en réalité l’engagement qui est la signature de l’appartenance, sa forme mûre. Mais c’est impossible à atteindre en s’en tenant seulement à la messe dominicale. Il faut être au bord du puits, dans le sycomore, au bord du lac, et pas seulement au temple  !


Ainsi en inversant l’ordre des importances, l’appartenance doit devenir première et cela devrait se voir au fil du temps dans l’agenda du prêtre et des «  disciples  », dans les comptes de la paroisse. James Mallon parlera ici des tâches confiées, des parcours Alpha et d’initiatives fortes dans l’église pour modifier la statique de ses cathos rivés à une foi enfouie et peu enclins à en faire plus que leur devoir dominical. Il les mobilise, la paroisse est une ruche, et pas seulement pour les messes.
Les stimulations à l’engagement construisent la base de l’appartenance à la communauté. Le reste suivra, certes pas pour tous, mais dans des proportions propres à faire rêver tous nos conseils paroissiaux et leurs prêtres.

Alors, apaisés, rassurés, fiers de leur utilité et de leur place, beaucoup demandent à approfondir leur foi, à rejoindre des groupes de «  catéchèse  », à en conduire eux-mêmes. Enfin, cette foi qui se nourrit, ce n’est pas une étape, mais une condition qui va ouvrir à accueillir l’enseignement social de l’Eglise, et à adapter sa conduite si faire se peut, ce sera le travail du cheminement spirituel, le travail de «  l’esprit  ».

Ainsi, et c’est une image qui n’est pas dans son livre, le petit train malin de James met ses wagons dans un ordre différent : d’abord tisser son appartenance et ne jamais cesser de le faire par l’engagement, nourrir sa foi quand le moment est arrivé et enfin travailler sur soi à l’écoute d’un esprit …. sanctifié  ; la question de la conduite coulant de source, et la messe ne devenant compréhensible, qu’à ce stade  ! Les sommets de la vie chrétienne ne sont pas les bases  !


James écrit bien d’autres choses, à commencer par le risque pour les prêtres, d’être mangés dans une posture thérapeutique, à consumer leur vie à écouter les plaintes légitimes de leurs ouailles : ce n’est pas leur mission, même si c’est cruel à entendre. Sur cette dimension sociale de sa place, le prêtre doit savoir déléguer. Il a fait des sondages pour voir évoluer la participation de ses 2000 cathos dominicaux dans leur engagement à la mission de l’Eglise. Il mesure les résultats du travail accompli. Oui, les sociologues et les instituts de management peuvent nous aider  !

Avant d’oublier ce que vous venez de lire, rappelez-vous des petits trains et de l’ordre des wagons  ! Et si c’était bien à cause de cela que «  ça  » ne marche pas comme vous l’aimeriez, en tout cas dans ces lieux d’évangélisation permanente que sont nos paroisses  ? Confusion entre les causes et les conséquences, entre les bases et les sommets, entre les buts et les moyens, entre le désir et la réalité… Dure leçon ou simple pragmatisme  ?

La plupart des groupes de nouvelle évangélisation faisaient le constat, en 2016, qu’une fois les bons moments passés (souvent autour d’une table, d’un café, d’un dîner) l’appartenance n’allait pas du tout de source et que trop de lendemains s’avéraient décevants, faute d’engagement.

Gilles Gueniot