Dieu solidaire avec notre humanité

1er octobre 2023

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   Le texte d’Ezéchiel lu ce dimanche est très important car historiquement c’est le premier qui mette en avant la responsabilité individuelle face à une solidarité qui peut apparaître comme écrasante. Le prophète montre comment Dieu regarde le coeur de chacun, considère chacun comme une personne et non simplement comme membre d’un groupe, d’un clan. Mais de l’individualité, nous sommes passés à l’individualisme et la solidarité a disparu. J-J Rousseau a théorisé la société comme pervertissant l’homme naturellement bon. Ezéchiel n’a jamais prétendu abolir la solidarité, mais la corriger, l’accomplir en faisant de la famille, du peuple, une communauté de personnes, liées les unes aux autres, mais ayant à exercer chacune leur propre responsabilité.

   L’Évangile nous dit : « Un homme avait deux fils. » Le point de départ est le même que dans la parabole de l’enfant prodigue. Dans la bouche de Jésus, la parabole vise tout homme pour qui c’est l’acte qui compte plus que le discours. Dans l’acte de foi, c’est l’acte qui compte, une foi en acte.

   Mais comme dans la parabole de l’enfant prodigue, nous oublions le père. Lui aussi apparemment ne fait rien, sinon demander quelque chose. S’intéresse-t-il au résultat ? Pourtant à y regarder de plus près, il met en œuvre une sorte de « pardon originel ». Il offre un droit à l’erreur, au « repentir » comme on dit en peinture. Le fils n’est pas enfermé dans sa réponse ou dans son absence de réponse. Toute l’histoire, toute son histoire est là pour lui donner une chance de répondre réellement à l’appel du Père, pour devenir fils.

   En fait c’est le père qui se montre solidaire de ses enfants, acceptant le risque que son appel ne soit pas entendu, que son amour n’ait pas de retour. Que nous montre alors l’hymne aux Philippiens ? Non pas Jésus payant de son sacrifice le péché des hommes et satisfaisant ainsi la justice du Père. Mais Jésus allant au bout de sa solidarité avec les hommes, acceptant d’eux la mort et faisant de l’acceptation de cette mort le lieu même du pardon. Ce pardon pourrait nous déresponsabiliser de nouveau voire plus, s’il n’était un pardon originel. Non pas l’effacement de notre péché, mais un acte de foi de la part de Dieu qui ne nous enferme pas dans notre réponse ou notre absence de réponse et nous donne, nous redonne sans cesse, la possibilité de répondre et d’accéder ainsi à notre vocation de fils. Mais de son côté, cela correspond à la possibilité d’un échec, à un véritable risque de mort. N’est-ce pas cela l’amour, donner la liberté de ne pas répondre ?

   Jésus est à la fois l’individu parfaitement responsable et parfaitement solidaire, et cela non pas en sauvant sa vie, mais en la donnant, en l’offrant à notre profit. Notre réponse est toujours hésitante, comme celle des deux fils de la parabole. Mais le Père court ce risque en nous accordant le temps de l’histoire pour donner réellement notre réponse. Nous sommes et nous avons à vivre en pécheurs pardonnés.

Abbé Frédéric Fermanel