Construire une cathédrale aux frontières du Darfour

30 novembre 2008

Collecte diocésaine - Campagne d’Avent 2008

Dans le cadre de la préparation à Noël, notre diocèse inaugure son partenariat avec la préfecture apostolique de Mongo : le premier objectif est de contribuer à la construction de la nouvelle cathédrale de la préfecture apostolique de Mongo (Tchad).

Plusieurs actions sont prévues :

 Un dimanche de l’avent, après la communion, une quête extraordinaire pour le chantier de la nouvelle cathédrale de Mongo, chantier qui allie l’évangélisation et le développement local (quête à annoncer une semaine à l’avance)

 De plus, chacun peut contribuer directement à cette cause diocésaine : chèques à l’ordre de l’Association diocésaine d’Avignon, avec la mention « pour l’Église de Mongo ».

Nous suivrons l’avancement du chantier pour adapter notre action à son évolution.

Lire également :
 Aider un diocèse en train de naître (Alléluia Service n°776 du 7 octobre 2008)

La préfecture apostolique de Mongo : une Eglise de frontières

Le Tchad : présentation générale

Le pays tient son nom du mot kanouri tčad qui signifie « grande étendue d’eau ». Il compte environ 9 millions d’habitants sur une surface de 1.284.000 m km², ce qui représente moins de 7% d’habitants au km². Cette densité va de 0,2 dans le BET à 74,3 dans le Logone occidental.

Trois zones climatiques s’étagent du nord au sud :
 La zone saharienne qui compte 47% de la superficie pour 2% de la population
 La zone sahélienne qui compte 43% de la superficie pour 48% de la population
 La zone soudanienne qui compte 10% de la superficie pour 50% de la population

Les deux premières zones constituent ce qu’on appelle généralement le Nord, qui est un concept géopolitique ; dans ces deux zones vivent les musulmans. La troisième zone est communément, dans le même registre géopolitique, appelée Sud et abrite les populations chrétiennes ou animistes.

Économie 

Dans ces espaces contrastés sont pratiqués l’élevage (dromadaires et bovins), la culture du mil, de l’arachide et du sésame, le coton, la pêche, la cueillette de la gomme. Depuis 2002, l’exportation du pétrole a complètement changé la donne économique.

La diversité ethnique et linguistique est très marquée : sur les 12 principaux groupes, seuls les groupes Sara (27,7 %) et Arabe (12,3 %) se dégagent numériquement. On compte plus de 130 langues, dont seulement 18 sont parlées par plus de 50.000 locuteurs. Les langues officielles sont le français et l’arabe . Le français a été adopté comme telle à l’indépendance (1960). C’est en 1982, au début du règne de Hissène Habré, que l’arabe a été proclamé deuxième langue officielle.

Histoire 

Le Nord a été marqué par le développement de sociétés centralisées (les sultanats du Kanem, du Baguirmi et du Ouaddaï), progressivement islamisées, usant de la langue arabe comme langue des clercs et outil diplomatique et pratiquant la traite des esclaves et le commerce de l’ivoire et des plumes d’autruches.
Simultanément, le Sud abritait des sociétés non centralisées, organisées en chefferies villageoises, autonomes mais souvent fédérées dans la gestion des rites d’initiation et le règlement de la vie socio-religieuse. Le Sud a toujours dû se prémunir contre les rezzous esclavagistes de ses voisins du Nord.

Une série de chocs successifs ont marqué l’histoire récente du pays :
 La colonisation française, de 1900 à 1960, marquée par le refus de l’école dans le Nord et le (relatif) essor de l’école française dans le Sud
 L’indépendance, en 1960, marquée par la domination du Sud, et l’éclatement de la rébellion dès 1965 dans le Nord (création du Frolinat [Front de Libération Nationale du Tchad] en 1966) : celle-ci est une réaction aux dérives autocratiques du régime du Président Tombalbaye et la revendication d’une meilleure répartition des pouvoirs entre le « Nord » et le « Sud »
 Février 1979 : la guerre civile s’étend dans les villes et gagne tout le pays
 Régimes de Hissène Habré (1982-1990) et d’Idriss Déby (1990 à nos jours) : le « Nord » au pouvoir
 Afflux des réfugiés soudanais depuis janvier 2004 et contamination de l’Est tchadien par le conflit du Darfour

La préfecture de Mongo : un grand espace à évangéliser

Superficie  : 540 000km² (France métropolitaine = 547 030)

Habitants  : 1 700 000 + 230 000 réfugiés soudanais du Darfour, dans 13 camps

Religions  :

 Chrétiens 

. Catholiques baptisés : 6 000
Mais en 1993 (derniers chiffres disponibles), 11 507 se définissent comme Catholiques, par « adhésion tacite au catholicisme. Cette adhésion signifie au moins trois choses : une volonté d’affirmer sa ‘non islamité’ ; une reconnaissance que l’Église est le lieu d’une socialisation nouvelle qu’on ne trouve plus dans la culture traditionnelle déstructurée par la modernité ; l’appréciation populaire des œuvres sociales de l’Église. »

. Église baptiste américaine : 7 374

 Musulmans  : 95 %. Arrivé tardivement (entre le XVIIe siècle et le milieu du XXe), l’islam est pourtant solidement implanté

 Animistes  : 4%. En fait, beaucoup de ‘musulmans’ sont en réalité animistes. On parle alors de « survivance préislamiques. »

Organisation de la Préfecture Apostolique

Nb : Cf. CIC/Can 371 § 1 : « (…) la préfecture apostolique est une portion déterminée du peuple de Dieu qui, à cause de circonstances particulières, n’est pas encore constituée en diocèse, et dont la charge pastorale est confiée (…) à un Préfet apostolique qui la gouverne au nom du Pontife Suprême. »

Mongo est une préfecture apostolique, car elle est très jeune (moins de 10 ans) et n’est pas encore capable de se suffire à elle-même, ni en terme de ressources financières, ni en termes de pasteurs.

La préfecture de Mongo

Personnel

 Préfet Apostolique : Mgr Henri Coudray, depuis le 1er décembre 2001 (plus de 30 ans au Tchad)
 9 prêtres, dont 8 sont dans le diocèse (un autre est à N’Djamena comme prêtre Fidei Donum). 6 tchadiens et 3 étrangers.
 Séminaristes  : 1 (peut-être bientôt un 2e). Mais l’opposition des familles réduit le nombre de candidats.
 18 religieux/ses en 4 communautés :
. Jésuites : fondateurs de cette Église en 1949, ils forment une communauté de 5 personnes, dont 3 prêtres à Mongo. Ils s’occupent des paroisses de Mongo et d’Abéché.
. Religieuses auxiliatrices du Purgatoire ; 2 communautés (total : 7 sœurs) à Bitkine et Mongo. Enseignantes.
. Sœurs des Saints Cœurs de Jésus et de Marie ; 1 communauté de 4 sœurs à Abéché. Enseignantes.
. Sœurs de la Sainte Croix de Jérusalem ; 1 communauté de 2 sœurs à Bitkine. Enseignantes
 Missionnaires laïcs : 8 (2 hommes et 6 femmes)
et le Jesuit Refugee Service (1 prêtre et 4 laïcs) venus s’occuper des réfugiés du Darfour
 150 catéchistes bénévoles, environ 430 aide-catéchistes, animateurs et ministres divers.

« Là réside simultanément la force et la faiblesse de notre Église : remarquable mobilisation des chrétiens (…) pour gérer par eux-mêmes la marche de leur Église, en l’absence de prêtres ; énormes lacunes de formation. » Henri Coudray

Paroisses

Les paroisses

91 communautés réparties en :

 Doyenné de Guéra  : 4 paroisses : Mongo, Bitkine, Dadouar, Baro. Seules les 2 premières ont un curé résidant.
Zone des chrétiens autochtones, les Montagnards (Hadjeray)

 Secteur de la Dispersion  : Am Timan, Abéché (1 curé résidant à Abéché). La paroisse d’Abéché mesure 1 500 km du Nord au Sud !
C’est une zone très vaste où résident pour un temps (travail ou autre) des chrétiens originaires du Sud.

Participation à l’assemblée dominicale : 70% si c’est une messe : moins si c’est une assemblée sans prêtre.

Une pastorale ‘incarnée’ : le développement, conséquence de l’évangélisation

« Nous essayons, dans la transmission de la Bonne Nouvelle, de tenir compte le plus possible du contexte social. » Henri Coudray

 Par exemple, un travail à long terme de traduction des textes liturgiques et des parcours catéchétiques dans les langues locales est en cours (principales langues utilisées : français, sara, arabe tchadien, kenga, migami, dangaleat).

 L’Église a un rôle moteur pour entraîner l’ensemble de la population au travail commun pour résoudre les problèmes d’intérêt commun.

. Ex 1 : « dans un milieu où le désert avance à cause de l’incurie humaine, il faut que, dès son bas âge, l’enfant intègre le respect de la nature et la plantation des arbres dans le plan de Dieu comme il est si bien indiqué dans Gn 2,15 :  »Dieu mit l’homme dans le jardin pour le cultiver et le garder.« Ce passage, appris par cœur par les petits enfants, nous permet de leur distribuer des jeunes plants qu’ils arrosent régulièrement en sachant qu’ils sont les jardiniers de Dieu. C’est une catéchèse vivante qui ne s’oublie pas. » Henri Coudray

. Ex 2 : « Chaque étape du catéchuménat sera marquée par une action sociale significative par rapport aux textes étudiés. Par exemple dans un village les candidats au Baptême ont réparé une digue pour la rétention de l’eau qui alimente le puits du village : eau de Baptême et eau de la vie de tous les jours ! De ce geste d’un groupe de 20 adolescents est née l’association ‘Notre Eau’ (Am Tine) qui a, depuis sa naissance, construit une centaine de barrages et qui englobe désormais aussi la population musulmane, majoritaire dans le canton. » Henri Coudray

 Éducation  :
Avec des moyens très limités, la Préfecture a réussi à ouvrir 10 écoles primaires (dont 3 de filles), un collège de jeunes filles et 2 internats, et à participer à 41 écoles communautaires et 3 lycées.
Elle s’occupe aussi de 3 centres culturels et 30 bibliothèques rurales, 9 salles polyvalentes.

 Développement rural  :
150 ‘banques de céréales’
19 magasins
30 barrages locaux et leur puits par an.

 Autres  :
Reboisement, aide aux aveugles et lépreux, accueil et formation des enfants des rues, etc.

Toutes ces initiatives ont une conséquence sociale : les mentalités changent, même chez les musulmans : « il ne s’agit pas de projets ‘hâkouma’ (projets d’État) qu’on peut ‘bouffer’ (détourner), mais d’aides au nom de Dieu qui sont sacrées. Maudit soit celui qui triche ! » Henri Coudray

Développement par l’évangélisation, un cas exemplaire : la cathédrale de Mongo

L’actuelle église paroissiale de Mongo est devenue beaucoup trop petite : les célébrations se font donc en plein air, sous un abri de paille. La construction d’une nouvelle église – la future cathédrale de Mongo – va bientôt commencer.

« Ce sera une église de 800 places qui soit digne, assez grande pour des rassemblements plus importants et qui puisse inscrire dans un milieu très islamisé la présence chrétienne. Actuellement, la minuscule chapelle Saint-Ignace ne contient pas 150 personnes ! »

« Joie de faire d’une ‘pierre’ deux coups : édifier en pierre locale un édifice pratique et beau, au service des chrétiens et de leur nécessaire témoignage de prière au milieu d’autres priants ; promouvoir pour toute la population locale une technique nouvelle de construction. Le rocher abonde ici, en effet, mais il est très peu et très mal utilisé pour les constructions. Aussi sommes-nous en train d’organiser, grâce à l’aide de tailleurs de pierre lombards, un deuxième stage de perfectionnement pour la rationalisation de la taille et des techniques de construction en pierre. Avant que ne commence le chantier, dans un an approximativement1, ils reviendront pour une troisième session, destinée à la fois à augmenter le nombre des tailleurs éprouvés et à constituer un ‘capital pierre’ pour la cathédrale. Déjà notre ami, le chef de canton de Mongo, musulman éclairé et vieux collaborateur de nos œuvres de développement, a déclaré qu’il serait le premier à donner l’exemple en construisant en pierre sa nouvelle maison ! » Henri Coudray

Taille des blocs

D’autres constructions en pierre commencent à sortir de terre : les lycées de Bitkine, Melfi, Bagwa.
La construction en pierre a beaucoup d’avantages : le matériau est gratuit (il faut quand même de l’huile de coude !), durable, écologique (la brique consomme beaucoup de bois pour sa cuisson et de ciment – importé – pour la mise en œuvre)

Lettre de Mgr Henri Coudray, Préfet apostolique de Mongo, à Mgr Jean-Pierre Cattenoz  : « Ta lettre de soutien pour la cathédrale et ta proposition de jumelage entre les diocèses d’Avignon et de Mongo me touchent beaucoup à l’heure où la rébellion fait encore parler d’elle et où il est tellement hasardeux de se projeter dans l’avenir. Construire une cathédrale dans ce contexte est à la fois un véritable défi et un formidable signe d’espoir et je suis heureux que ton diocèse désire participer à cette entreprise. » (16 juin 2008)

Quelques données chiffrées

 Dimensions de la cathédrale : 21,10 x 25,10 x 11,50 (14,50 avec charpente et croix) de forme octogonale (surface approximative de 500 m² pour 800 personnes, dont 150 à 200 sous la véranda s’ouvrant sur trois des côtés de l’heptagone)

 Coût total estimé : 325.000 €

 Durée des travaux : environ deux ans

 10 € : équivalent à trois journées de salaire d’un manœuvre

 0,8 € : (coût de la taille d’une pierre) = équivaut à 4 pains (baguettes) ou 3 kg de mil (quantité quotidienne pour la nourriture de 8 personnes).

Pour aider Mongo

Plusieurs solutions sont possibles :

 Envoyer un don à l’archevêché d’Avignon, en précisant « pour l’Église de Mongo ». L’intégralité du don sera reversée à cette Église ;

 Se connecter sur le Site Internet de la préfecture apostolique de Mongo, rubrique aide et contact ;

 Une collecte d’Avent et une autre durant le carême, dans les paroisses du diocèse d’Avignon.

 D’autres initiatives sont en préparation, comme celle qui a lieu en ce moment en Italie : une collecte de burins pour le chantier de la taille de pierre.