Voilà donc venu le temps et le jour où il nous est donné de rassembler, de recueillir, pour le garder dans une mémoire renouvelée, le témoignage de fermeté dans la foi, de charité fraternelle, de don de leur vie des 32 religieuses, martyres d’Orange.
Ces femmes originaires de nos diocèses, enracinées dans la foi reçue de leur famille et de l’Église, ayant donné une réponse au don du baptême par leur consécration religieuse et, de manière radicale et définitive, par le sacrifice de leur vie.
Ces femmes dont l’Église, par la voix Pape Pie XI, le 10 mai 1925, a gardé l’heureuse mémoire en les déclarant bienheureuses en raison du témoignage de leur foi et la constance de leur charité. Il y a donc 100 ans.
Il nous appartient de conserver cette mémoire, de la nourrir pour la garder vivante afin qu’elle stimule l’aujourd’hui de notre propre témoignage.
C’est une grâce que nous puissions célébrer en ce jour cet anniversaire, au cœur de l’année jubilaire de l’Espérance. Comme l’accueil d’un signe puissant et déjà inscrit au cœur de nos églises, que l’Espérance ne déçoit pas.
Je remercie le père Michel Berger, et avec lui à tous ceux et celles qui nous ont permis au cours de ces derniers mois d’affiner cette mémoire, d’en préciser tel ou tel contour, de nous aider non seulement à ne pas les oublier mais à mieux les connaître, d’une connaissance qui soit interpellation et soutien pour notre vie croyante et notre vie en Église.
Que nous disent-elles ?
Nous avons pu commencer notre journée à la collégiale de Bollène où nombre d’entre-elles, 17, ont été baptisées. Elles ont reçu en ce jour la grâce du Baptême, la vie du Christ ressuscité, vainqueur de la mort. Et nous savons qu’elles ont vécu fidèlement cette grâce de leur baptême.
Enracinées dans la foi, elles ont laissé s’en déployer la grâce, par la consécration religieuse, dans différentes congrégations et couvents de la région : 16 ursulines, à Pont-Saint-Esprit, à Bollène, à Carpentras, à Pernes les Fontaines, à Sisteron ; 13 sacramentines, se consacrant à l’adoration perpétuelle du Saint-Sacrement à Bollène ; 2 cisterciennes à l’abbaye Sainte Catherine d’Avignon et 1 bénédictine à Caderousse.
Vie religieuse alliant la recherche de Dieu, la prière, la contemplation, la vie fraternelle avec ses exigences, le service des personnes. C’est ainsi que déjà, elles ont été unies pas la charité, goûtant à la force d’un amour reçu qui les liait profondément les unes aux autres.
Les éléments douloureux et violents de l’époque révolutionnaire leur ont donné d’être témoins de l’Espérance qui ne déçoit pas.
Le don de leur vie, elles l’ont engagé par leur consécration religieuse, consécration qui était loin d’être un chemin tout tracé, chemin qui s’est comme imposé à elles, et auquel elles ont consenti, à l’image de leur Maître, faisant de leur mort regardée en face, non pas tant une violence subie qu’une vie donnée.
A l’image de tant d’autres témoins de la foi, et je pense aux martyrs d’Algérie, aux frères de Tibhirine dont nous célébrions la mémoire ce jeudi 8 mai, elles ont accepté les conséquences de leur témoignage de foi au sein d’une société qui se cherchait et les rejetait de plus en plus violemment.
Ainsi, en bien des temps et des lieux de l’histoire des croyants, nous sont donnés ces témoignages qu’un amour plus grand est possible, il nous appelle et nous entraîne.
Expulsées de leurs couvents elles vont pendant 18 mois continuer leur vie religieuse, leur vie de prière. Persévérer dans la vie consacrée. Refusant de prêter le serment de liberté-égalité, elles seront progressivement arrêtées.
Incarcérées à Orange à la prison de la cure, elles vont s’attacher à poursuivre ensemble leurs vœux monastiques demeurant d’un seul cœur en ajustant les règles de chaque congrégation pour poursuivre une vie de prière, un soutien mutuel, une même réponse au don de Dieu, se préparant à l’offrande de leur vie, jusqu’au bout du don d’elles-mêmes. Elles nous laissent ainsi ce puissant témoignage de communion ecclésiale.
A la manière de Paul et Barnabé, elles se sont ainsi encouragées à rester attachées à la grâce de Dieu. Pour la recevoir vraiment, pour en vivre concrètement, pour en témoigner. Elles nous encouragent nous aussi à demeurer fidèles à la grâce de notre baptême.
Le voyant de l’Apocalypse nous invite à les prier aujourd’hui et à les contempler associées à cette foule immense que nul ne pouvait dénombrer, debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtues de robes blanches et les palmes du martyre à la main.
Elles aussi ont traversé la grande épreuve et leurs robes ont été blanchies par le sang de l’Agneau.
Elles sont désormais, avec Celui qui est le Pasteur, conduites aux sources des eaux de la vie, là où notre Dieu essuie toute larme.
Le Pasteur est Celui qui nous parle dans l’Évangile.
Mes brebis écoutent ma voix ; je les connais, elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle.
Personne ne les arrache de ma main.
Personne ne peut les arracher de la main du Père.
Nous le comprenons bien, ce n’est pas leur capacité, leur énergie ou leur volonté qui leur ont permis de tenir jusqu’au bout, mais bien ce lien si profond à Celui qui a éclairé et guidé leur existence, leur donnant d’en traverser tous les obstacles.
C’est le témoignage infiniment précieux qu’elles nous laissent.
Ce lien profond qu’elles nous révèlent et qui nous est aussi offert.
Que ce jour nous donne de mieux les reconnaître, de mieux les aimer, et de les recevoir comme des témoins et des amies.
Prions-les et demandons au Seigneur par leur intercession d’être aidé, dans le temps qui est le nôtre, à demeurer enracinés dans la foi, la connaissance du Pasteur, l’écoute de Sa Parole, la réception de Sa nourriture, à nous tenir dans la vie fraternelle. Nous recevant les uns les autres comme des frères et à laisser l’Esprit exprimer peu à peu en nous la réponse à manifester de notre part à cet amour reçu.
+ François Fonlupt
Archevêque d’Avignon