Portrait : la vierge de l’Ashram

26 septembre 2018

Anne-Marie Olivier-Martinero habite depuis quelques mois à Avignon, mais auparavant, elle a eu une vie pas banale.

Entretien avec Martine Racine, tiré de l’émission Pourquoi le taire ? sur RCF Vaucluse

Où avez vous grandi  ?

J’ai grandi à Paris, dans une famille catholique  ; mon père ne pratiquait pas, ma mère oui, en revanche. J’ai eu la chance d’aller dans des écoles catholiques où j’ai été bien reçue, où je me suis bien plu et à 15 ans, j’étais une bonne petite catholique, très pratiquante  ; j’ai été guide  ; au lycée, je faisais de la persévérance, puis le pèlerinage à Chartres. Étudiante, ma vie personnelle devenant de plus en plus désordonnée, ma foi s’est un peu étiolée. J’allais moins à la messe  ; puis j’ai fini par ne plus y aller du tout  ; j’étais également très critique, pas d’accord avec l’Église. Bref, des tas de choses me préparaient à ce qui allait arriver après. En 1968, cela a été l’explosion : on allait enfin pouvoir refaire le monde : le monde était bancal et j’avais l’impression qu’on allait tout remettre en ordre et que tout serait parfait. Évidemment je ne comptais que sur la voie matérialiste  ; il n’était pas question de Dieu ou de spiritualité.

Est- ce que cela vous rendait heureuse  ?

Sur le coup, oui  ! 68 a été l’enthousiasme le plus total  ! J’avais l’impression qu’enfin le grand soir arrivait. Il faut dire que j’étais au centre de tout  ; je me suis vraiment donnée à tout cela et ça m’a vraiment plu. Cette euphorie a duré deux ans et après ces deux années, le soufflé est retombé, et cela a été le désespoir parce que je n’avais plus rien  ; plus rien ne m’intéressait et j’étais dans un tel marasme que j’ai décidé de faire une psychanalyse.

Et à cette époque, vous aviez des amis, un compagnon  ?

Oui je vivais avec un compagnon qui lui, était farouchement athée, qui riait beaucoup de ce qui restait de ma foi et quand mai 68 est arrivé, on s’est retrouvé politiquement et spirituellement si on peut dire  ! Au bout d’un certain temps, on s’est séparés et j’éprouvais un vide intérieur épouvantable : mes études étaient finies, la vie professionnelle ne m’intéressait pas, affectivement, je n’avais plus rien du tout, et dans ma tête, régnaient brouillard et désespoir. J’accusais tout le monde. C’est ainsi que je décidais de faire une psychanalyse  ; elle m’a beaucoup apporté  ; en particulier, j’ai fait une expérience d’ouverture du cœur, qui fait que je me suis mise à aimer les autres alors que jusque là je les méprisais cordialement, comme tout bon gauchiste qui se respecte. Puis j’ai fait de la thérapie de groupe et c’est au cours de cette thérapie qu’on m’a parlé d’un gourou indien. Sur le coup, je n’étais pas du tout intéressée.

Gourou indien, était-ce un homme  ?

Au début ce gourou était un homme et après sa mort, deux ans plus tard, c’est une femme qui l’a remplacé. J’ai cependant suivi sa voie avec beaucoup de détermination  ; du jour au lendemain, en effet, il n’y avait plus que ça dans ma vie. Ce fut un coup de foudre pour l’hindouisme, pour le gourou, pour la méditation, les mantras, les écritures, le hatha-yoga. On faisait également beaucoup de service.

Car vous êtes allée dans un ashram, vous suiviez votre gourou  ?

Oui je le suivais partout : quand il était aux États-Unis, j’y étais  ; quand il était en Inde j’y étais aussi  ; et je dois dire que j’ai passé d’excellents moments dans l’ashram.

Que s’est -il passé  ?

Un jour, j’étais à Bombay, au consulat de France et sur le bureau d’une employée, il y avait quelque chose que je n’avais pas vu depuis longtemps : une statue de la Vierge. Je me suis rendue compte que c’était la Vierge de la rue du Bac à Paris et j’étais éberluée, éblouie de voir cette statue. J’ai senti quelque chose : j’avais l’impression qu’elle me faisait signe, qu’elle m’appelait, si bien qu’en rentrant à l’ashram, je me sentais bizarre, et le lendemain, chose extraordinaire, je sentais la présence de Marie à côté de moi. Cela a duré huit jours, mais je ne comprenais pas ce qu’elle me voulait. Que Marie soit là dans un ashram, oui  ! Il y a, dans un ashram,Bouddha, Marie, le Sacré Coeur, tout le monde. Mais que Marie vienne me voir moi, c’était autre chose  ; je sentais qu’elle poussait la porte pour entrer dans ma vie. Je ne comprenais pas pourquoi. A l’ashram, je parlais de Marie à tout le monde  ; j’avais demandé à ma mère de m’envoyer des documents de la rue du Bac  ; je distribuais des médailles.

Un français m’a parlé alors de Medjugorje. Je lui ai demandé alors de me dire ce qui s’y passait, il ne savait pas trop, alors, j’y suis moi-même allée. Je n’étais pas du tout convertie au moment de cette démarche  ; j’étais toujours disciple de mon gourou, mais je voulais voir ce qui se passait à Medjugorje. Quelque part je voulais retrouver la présence de la Vierge. Et ce n’est pas cela que j’y ai retrouvé mais essentiellement la Messe. Effectivement, le premier jour j’ai assisté à une Messe de 2 heures en Croate, puis il y eut le chapelet (que je finis par reconnaître). Je restais là, je ne pouvais plus partir, je n’en avais pas du tout envie. Le lendemain, pareil : messes en français, en italien, en allemand : j’ai assisté à toutes les messes. Ensuite, j’ai fait tout ce qu’on fait à Medjugorje : le chapelet, le chemin de croix. Toutes mes journées étaient consacrées à cela. J’étais très silencieuse, très intériorisée  ; je ne parlais à personne. Mais je n’étais pas du tout encore convertie. Je me disais que tant que je resterais à Medjugorje, je continuerais mes pratiques et quand je rentrerais à l’ashram, je reprendrais, méditations, mantra, gourou.

Et que s’est-il passé en partant  ?

J’avais décidé de m’arrêter à Split pour partir en bateau et abandonner mon chapelet et tout le reste. Je suis alors entrée dans une église pour dire au revoir à Marie et je faisais toujours la même prière : «  Je voudrais tout. Qu’est ce que je pourrais faire  ?  » Je ne sais pas ce qui s’est passé à ce moment-là, mais quand je suis sortie de l’église, je pleurais car je me rendais compte que le gourou c’était fini, alors que le gourou c’était toute ma vie, comme tous mes amis, toutes mes vacances… Je me sentais complètement dans un désert, car il n’y avait plus rien. Mais j’étais convertie. J’étais redevenue catholique. Je me tâtais et me répétais : «  Je suis catholique, je suis catholique, qu’est ce que ça veut dire  ?  »

Vous n’en vouliez pas  ?

Non, je n’en voulais pas. Mais je sentais que c’était la volonté de Dieu. Et même si je n’en avais pas envie, je sentais qu’il ne fallait pas que je résiste parce que Dieu voulait que je sois là. Je pleurais en rentrant sur mon bateau : je pensais à mon gourou, aux nuits entières où je chantais le mantra, à cette ambiance de l’ashram si pleine d’amour et de joie. Je me disais que j’allais me retrouver dans un désert, dans des lieux où on se fait suer comme à la messe. J’étais vraiment vidée. Et pourtant, il a bien fallu que je m’y fasse car c’était le plan de Marie qui était venue me chercher.

A Medjugorje, vous avez retrouvé l’Église  ?

Exactement  ! C’est l’Église qui est venue vraiment dans ma vie, plus encore que le Christ qui est venu après. J’ai eu Marie, l’Église et ensuite j’ai découvert le Christ. Ce processus a été très troublant pour moi, parce que je me suis retrouvée vraiment catholique  ! Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais c’était vraiment nouveau.

C’était en fait quelque chose que vous aviez rejeté depuis longtemps  ?
Oui et avec fracas. Je me suis rapidement aperçu que le catholicisme n’existait pas qu’à Medjugorje. J’ai rencontré des groupes charismatiques et j’ai été transportée. J’ai vécu des messes merveilleuses.

Finalement vous êtes une grande spirituelle  ?

J’ai toujours cherché Dieu, quelquefois sans le savoir. Je m’en suis rendu compte rétrospectivement en regardant ma vie : tout ce que j’avais fait c’était pour chercher Dieu  !