Introduction et homélie de la messe d’accueil du 17 octobre 2021

18 octobre 2021

Mot d’accueil

 

C’est un jour de joie, de rencontre et de fête que nous vivons, même si celle-ci ne peut pas ne pas être empreinte de gravité et de peine en ces temps douloureux que nous traversons.

La célébration de ce jour est à mettre en étroite relation avec celle du 11 juillet dernier, en la Métropole Notre-Dame-des-Doms, célébration au cours de laquelle j’ai été installé comme archevêque d’Avignon.

Je ne suis pas provençal. Je viens des montagnes et des vallées de l’Auvergne, puis de celles du Rouergue.

Je vous suis donc envoyé, pour rejoindre, recevoir l’Eglise qui est ici, percevoir ce que l’Esprit lui a donné et lui donne de vivre, et l’accompagner, comme son pasteur, au nom du Christ le seul Pasteur, pour les années qui viennent.

Accueillir l’Eglise demande de la rencontrer en ses différents lieux, visages, expressions et sensibilités, engagements. L’accueillir demande aussi qu’elle se donne à voir, c’est ce que nous réalisons aujourd’hui.

Le Seigneur nous rassemble dans la diversité des territoires, des paroisses, des mouvements et services. Il nous donne de percevoir l’Eglise que nous sommes… pas seulement entre nous.

C’est le sens de ce premier temps d’accueil et de rencontre vécus sur le parvis.

Permettez-moi d’évoquer chacun. Les prêtres et les diacres, les représentants des communautés de religieux et de religieuses, la grande variété des laïcs que vous êtes, et à travers vous, les divers lieux de la vie de notre Eglise dans lesquels vous êtes investis.

Je salue les représentants des autres religions avec qui je souhaite que nous puissions poursuivre des relations dans l’estime et le respect.

Je remercie de leur présence les élus ou représentants des diverses collectivités au sein desquelles nous vivons. Merci de votre présence et de votre soutien apporté à la vie de l’Eglise.

Je salue avec reconnaissance la petite délégation du diocèse de Rodez. Ses membres viennent d’une autre Eglise que j’ai servie avec eux et bien d’autres, au long des dix dernières années. Ils nous redisent ce lien entre nos églises particulières. Avec eux, aujourd’hui, portons l’Eglise de Rodez dans notre prière, elle qui est dans l’attente d’un pasteur qui lui sera envoyé.

Je salue aussi quelques amis proches ou membre de ma famille, ils manifestent que des liens solides et précieux soutiennent et accompagnent les étapes de mon ministère.

Aujourd’hui le Seigneur nous rassemble. Il convoque son Eglise.
Il lui adresse la Parole.
Il la nourrit de son pain, de sa vie donnée.

Entrons ensemble dans l’eucharistie.

 

Homélie

 

« Maître, ce que nous allons te demander, nous voudrions que tu le fasses pour nous. »
Nous venons d’entendre cette demande surprenante et qui peut nous sembler quelque peu déplacée de Jacques et de Jean, adressée à Jésus.

Dans l’Evangile, Jésus vient d’annoncer pour la troisième fois sa Passion : Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort et le livreront aux païens, ils se moqueront de lui, ils cracheront sur lui, ils le flagelleront, ils le tueront et, trois jours après, il ressuscitera. ».

A chacune de ces annonces, Saint Marc nous manifeste l’incompréhension des disciples. Il faut alors que Jésus reprenne à frais nouveaux son enseignement : renoncer à soi pour le suivre ; se faire le serviteur de tous, à la manière de Jésus serviteur.

Jacques et Jean ont tout quitté pour suivre Jésus. Ils voudraient s’assurer un avenir, une responsabilité. Jésus leur redit qu’il s’agit d’abord de boire à la coupe que lui-même va boire, et d’être plongés dans le baptême qu’il va recevoir.

A partir de là, il nous faut comprendre que, être disciple, être apôtre, ne peut s’exprimer en terme de place reconnue, de pouvoir, de domination, mais ne peut prendre sens, en fidélité au Christ, qu’en acceptant de servir dans la condition la plus humble qui soit.

Il s’agit, à la manière de Jésus, de chercher non pas à être servi, mais à servir les hommes, en allant jusqu’au don de sa vie, dans les grandes comme dans les petites choses, non pas simplement pour quelques-uns, mais pour tous, pour vous et pour la multitude. C’est là le seul chemin pour signifier concrètement l’amour de Dieu pour l’homme, un amour qui n’est pas repris, qui se donne sans retenue.

 

Cette invitation, je la reçois une nouvelle fois, alors que je suis envoyé comme votre pasteur. Conscient de l’interpellation toujours nécessaire pour l’entendre en vérité et la mettre en œuvre de manière concrète.

C’est en écho, le sens de la citation du Bienheureux frère Christophe reprise au dos du signet qui vous a été remis. Il s’agit d’être ici comme des vivants de toi… C’est un mouvement d’amour infini et précis : ‘Va, aime ce peuple, sois le serviteur de mon je t’aime.’

Priez avec moi le Seigneur qu’il me donne d’être toujours plus en vérité, au milieu de vous, serviteur de chaque personne, de sa vie, de sa relation aux autres, de sa place au sein de notre Eglise et de notre humanité.

 

Cette invitation, nous avons à la recevoir ensemble, comme Eglise, membres de communautés qui sachent rejoindre, accueillir, prendre soin, accompagner des frères, témoignant ainsi de Celui qui nous anime.

Prions le Seigneur qu’il nous donne d’être toujours plus en vérité, serviteurs de la place de chaque personne, de leur vie, de leur relation aux autres, de leur place au sein de notre Eglise et de notre humanité.

 

Vivre cela, entrer dans ce mouvement nous appelle et nous appellera sans cesse à nous laisser rejoindre par le mystère du Christ qui offre sa vie ; à toujours nous demander comment notre manière de vivre, de nous rassembler, d’exister en Eglise, manifeste ce don.

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Cette interpellation de Jésus, je ne peux et nous ne pouvons la recevoir aujourd’hui en faisant abstraction de ce que nous avons vécu ces derniers jours avec la remise du rapport sur les abus sexuels commis au sein de l’Eglise de France depuis 1950, et de l’ampleur de la tâche qui s’ouvre à nous.

C’est une épreuve pour tous.

D’abord pour les personnes victimes pour qui la douleur de ce qu’elles ont subi est réveillée, mais qui se trouvent également prises en compte dans leurs blessures et leur souffrance qui demeure. De victimes silencieuses ou non écoutées, elles deviennent témoins.

Cela, il nous faut le recevoir avec elles et pour elles aujourd’hui.

Devant l’ampleur de ce qui nous est révélé du mal commis, du mal subi, de la violence sournoise, des vies abîmées et des blessures qui demeurent, il nous faut laisser ces éléments nous rejoindre pour peu à peu en prendre conscience, et nous demander : Comment face à ce mal être serviteur ?

 

Nous avons pour cela besoin d’échanger, d’en parler les uns avec les autres, de recevoir ce constat et ce qu’il appelle comme mise en œuvre.

Nous avons besoin de laisser interroger notre vie en Eglise, notre manière de la conduire et de vivre la responsabilité, pour tendre à ce qu’elle soit, autant qu’il est possible un lieu paisible pour celles et ceux qui y vivent ou y sont accueillis. La tâche est importante. Elle se réalisera à la mesure de la prise de conscience de chacune et chacun d’entre nous.

 

Le Pape Francois nous l’écrivait déjà en août 2018 : L’ampleur et la gravité des faits exigent que nous agissions de manière globale et communautaire. Aujourd’hui, nous avons à relever le défi, en tant que peuple de Dieu, d’assumer la douleur de nos frères blessés dans leur chair et leur esprit*[*1].

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Au cœur de cette étape douloureuse, le pape nous offre une belle opportunité en invitant l’Eglise universelle à prendre le chemin de la synodalité. Précisément celui que Dieu attend de l’Eglise du troisième millénaire*[*2], en ouvrant pour l’Eglise universelle une réflexion et un chemin communs : Pour une Eglise synodale : communion, participation et mission.

C’est une invitation à nous mettre à l’écoute les uns des autres, à l’écoute de la Parole, à l’écoute de l’Esprit Saint pour que cela nous rende attentifs aux surprises, et capables de percevoir les chemins à emprunter et les décisions à prendre pour que notre Eglise soit bien l’Eglise de Jésus-Christ dans ce temps qui est le nôtre.

 

Je cite le document préparatoire : En dépit de nos infidélités, l’Esprit continue à agir dans l’histoire et à manifester sa puissance vivifiante. C’est précisément dans les sillons creusés par les souffrances en tout genre endurées par la famille humaine et par le Peuple de Dieu que de nouveaux langages de la foi sont en train de germer, ainsi que de nouveaux parcours capables non seulement d’interpréter les événements, mais de trouver dans l’épreuve les raisons pour refonder le chemin de la vie chrétienne et ecclésiale.*[*3]

 

Je nous invite modestement, mais très réellement, à emprunter ensemble ce chemin du synode. Des éléments nous seront partagés en fin de célébration pour nous inviter à nous mettre en route. La question principale à nous poser et à réfléchir étant celle-ci :

Une Église synodale, en annonçant l’Évangile, “marche ensemble” : comment ce “marcher ensemble” se réalise-t-il aujourd’hui dans votre Église particulière ? Quels pas l’Esprit nous invite-t-il à accomplir pour grandir dans notre “ marcher ensemble ” ?*[*4]

 

Pour répondre à cette question, nous pouvons nous demander :

 A quelles expériences de notre vie en Eglise cela nous fait penser ? 

 Nous pouvons chercher à retrouver quels sont les joies, les difficultés, les obstacles rencontrés. Quelles sont aussi les blessures ? Qu’est-ce que cela nous fait souhaiter ou nous donner en vie de chercher ?

 Nous pouvons nous demander : comment résonne la voix de l’Esprit dans ces expériences « synodales » ? A quoi est-il en train de nous appeler aujourd’hui ?

 

Quelques éléments pour faciliter le partage nous seront proposés. Il ne s’agit pas de tout embrasser, mais de nous mettre en route et, en prenant notre part à ce chemin, avoir une conscience plus réelle qu’il concerne la dimension universelle de notre Eglise.

Vous allez penser que j’évoque des questions larges et qui ne nous précisent pas forcément la manière de baliser aujourd’hui notre vie ecclésiale. C’est vrai pour une part. Mais cette vie ecclésiale se trouve aujourd’hui au carrefour du renouvellement à vivre avec le pasteur que je suis et qui vous est envoyé, au carrefour des questions vives qui nous sont posées par la révélation des abus et leur ampleur, au carrefour du chemin à emprunter pour un renouvellement de notre Eglise pour qu’elle soit plus fidèle à sa mission dans l’époque d’aujourd’hui.

Nous engager ensemble sur cet horizon vient nous inviter à renverser la question de Jacques et Jean dans l’Evangile de ce jour. Plutôt que de demander au Seigneur ce nous voudrions qu’il fasse pour nous, demandons-nous ce que nous sommes appelés à faire pour lui et pour nos frères.

Maître, ce que tu nous demandes, donnes-nous de le faire pour toi et pour nos frères.

Nous terminerons notre célébration par la prière du Synode. Que Dieu qui est Père, Fils et Esprit nous donne le courage, la confiance et la lucidité nécessaires pour que son Eglise qui est en Vaucluse trouve dans l’avenir qu’il nous prépare sa joie et son unité.

Amen.

 

[1] Pape François. Lettre au Peuple de Dieu, Août 2018

[2] Pape François, Discours pour la Commémoration du 50e anniversaire de l’institution du synode des évêques, 17 octobre 2015

[3] Synode 2021-2023 Pour une Eglise synodale, communion – participation – mission. Document préparatoire § 7

[4] Idem § 30